Ce film de politique-fiction de John Frankenheimer est sorti en 1963 entre "un crime dans la tête" et "le train" ; autant dire que c'est une période faste pour le cinéaste…
L'action du film se situe en 1970. Les USA et l'URSS envisagent de terminer cette longue période dite de guerre froide. Vu des USA, à travers ce traité de désarmement nucléaire, le président essaie d'arrêter cette course folle, cette surenchère aux armements les plus puissants sur l'idée qu'il se trouvera bien un jour un crétin pour appuyer sur le "bouton" fatidique et détruire la planète. Bien évidemment, l'armée et l'aile dure des conservateurs ne l'entendent pas de cette oreille. Le chef d'Etat-Major, au faîte de sa gloire d'ancien combattant, envisage un coup d'état destituant le président pour y installer un pouvoir militaire et reprendre en main le pays.
Le film relate la lutte – en coulisses – du gouvernement pour sauver la démocratie.
J'avais voulu revoir ce film à la lueur de la fameuse et pitoyable tentative d'invasion du Capitole en 2020 où la réponse démocratique s'était exercée avec fermeté et de façon complètement légaliste.
Il en est de même dans le film de Frankenheimer où le président use des quelques moyens à sa disposition sans pour autant médiatiser et surfer sur la victoire. Pas question d'humilier car ça risque d'être contre-productif et de se retourner contre le pouvoir légalement élu.
Le film vaut aussi pour la formidable interprétation des différents personnages-clés du film.
Burt Lancaster, la valeur sûre du cinéma de Frankenheimer, interprète le général d'État-Major. Très crédible dans son personnage froid et calculateur de tacticien à l'affut des faiblesses de l'adversaire.
Kirk Douglas est l'adjoint du chef d'État-Major. Il joue une relative ambiguïté du personnage pas dans le coup mais dont la position est légaliste. Il décide de jouer la carte de la démocratie et donc du président. Son jeu est tout en finesse et est très politique car il joue gros.
La scène de la dernière rencontre entre Kirk Douglas et Burt Lancaster qui l'accuse d'être un Judas est remarquable de justesse entre un homme pas encore fini et un homme pas encore gagnant.
Ava Gardner joue le rôle de l'ex-maîtresse du chef d'État-Major et devient sans s'en douter un élément du jeu politique. Son rôle assez complexe de femme qui joue une posture tout en n'étant pas dupe des enjeux est excellent. Ah la scène de la baffe qu'elle fiche à Kirk Douglas avec le regard flamboyant d'humiliation et de rage de Kirk Douglas n'est pas loin d'être anthologique …
Mais le personnage qui m'a le plus impressionné c'est certainement le rôle du président joué par un Fredric March, vieux et fatigué par le pouvoir, qui porte visiblement le poids des responsabilités et de sa solitude, qui montre une intelligence aigüe dans le maniement en souplesse des hommes qui l'entourent. Son entrevue en tête à tête avec Burt Lancaster est pleine de dignité et de fermeté alors qu'il est en position très fâcheuse. On n'humilie pas un homme dont on peut avoir besoin même en défaut…
Son discours final lors de la conférence de presse sur la force de la constitution américaine et la défense de la démocratie contre les populismes est remarquable par son efficacité et sa mesure qui ne nécessite aucun lyrisme pour passer.
Film, un peu confidentiel en France, qui gagnerait vraiment à être connu par les temps qui courent.