C'est lors d'un voyage en train à destination de Paris que George et Tom, deux amis artistes, tombent sous le charme de la belle Gilda. Peu à peu c'est une relation à trois qui va s'installer entre eux...
En adaptant la pièce éponyme de Noël Coward, Ernst Lubitsch met en avant le choc des cultures lorsque cette relation à trois va s'installer face au milieu mondain et bourgeois et profite que l'instauration du code Hays ne se fera qu'une année après la sortie du film. Une relation sensée être choquante mais qu'il traite comme si c'était normal et banal, sans morale ou jugement, mais surtout qu'il traite avec légèreté, charme et humour pour en faire une belle et piquante ode à la vie, la liberté et contre le conformisme.
Dès la géniale ouverture du film dans le train, le ton est donné et c'est un vrai plaisir que de suivre les trois protagonistes, plaisir rallongé tout le long du film où l'on navigue entre jalousie, théâtre, passion, relation platonique, esprit libre, ménage à trois ou encore cohabitation, le tout sans lourdeur ni caricature vis-à-vis du sujet et avec rythme. Lubitsch déborde d'ingénieuses idées et les met génialement en images pour nous faire passer par tout un panel d'émotions, les scènes et répliques marquantes ne manquent pas, le tout se concluant par un parfait final.
Mise en scène élégante, belle photographie en noir et blanc, cadres impeccables, gestion des ellipses... tout est maîtrisé et orchestré avec brio de bout en bout par Lubitsch qui bénéficie aussi d'une excellente qualité d'écriture, tant au niveau du déroulement que des personnages et surtout des dialogues, brillant et souvent dit au bon moment avec la diction adéquate. Mais c'est aussi par ses interprétations que le film brille. Dirigée de manières parfois théâtrales, ce n'est jamais dans l'excès et l'amusement du trio Fredric March, Gary Cooper et Miriam Hopkins est contagieux, tout comme l'art d'avoir la bonne gestuelle. L'osmose entre les trois est parfaite et Lubitsch n'en sacrifie aucun.
C'est avec un charme, une légèreté, un humour et un talent défiant l'épreuve du temps que Lubitsch met en scène une relation à trois entre bohèmes face aux milieux mondains et conformistes, une belle, savoureuse et brillante ode à la liberté. (Thanks to Sergent Pepper !)