Que c'est sombre et sordide.
Un polar s'arrêtant sur des personnes banales, une zone industrielle où les combines et faits divers sont les principales occupations, avec en fond une radio omniprésente et au milieu un Dewaere s'agitant beaucoup pour finir par se perdre dans ses mensonges et machinations.
D'une très grande violence, Série Noire nous emmène donc dans un paysage urbain avec une forte impression de déshumanisation, des lieux, que ce soit en extérieur ou intérieur, semblant dévastés. Au cœur, il y a Patrick Dewaere, en totale liberté, qui va vivre une véritable descente aux enfers en maîtrisant de moins en moins les événements, il joue un mec paumé qui va tomber dans le vol puis le meurtre, un mythomane écorché vif devant faire face à une série de péripéties, qu'il a cherchées ou non, qui vont le conduire vers une pente bien glissante.
Héritant d'un script coécrit avec Georges Perec et adapté de Jim Thompson, Alain Corneau nous fait vivre cet enfer quotidien, met en place une atmosphère désabusée et sombre totalement prenante. Il fait de cet univers un véritable cauchemar et exploite à merveille toutes les ficelles du scénario, que ce soit pour en faire ressortir intensité et sensation ou mettre en avant les failles de la nature humaine, et ce qu'elle a fait de la Terre et ses occupants. Si Dewaere occupe le devant de la scène, il n'en oublie pas les autres rôles, à l'image d'une jeune femme que l'on pourrait croire autiste ou d'un patron plus véreux qu'il n'y paraît, ils sont tous intéressants, tout comme les liens tissés entre eux.
Avec une partition de Duke Ellington en fond sonore, Série Noire se voit comme la chronique d'un homme perdu, avec un ton désabusé mais aussi de rares moments plus légers, avec une écriture assez crue et des dialogues digne d'une parfaite comédie noire, à l'image des premiers mots du protagoniste. Devant la caméra Patrick Dewaere est fantastique, lui qui a perdu du poids pour ce rôle, torturé à souhait et d'une noirceur extrême malgré une légèreté d'abord apparente et une liberté totale dans ses mouvements. Face à lui, les autres comédiens sont très bons et en particulier la jeune Marie Trintignant dans le rôle d'une prostituée.
En signant Série Noire, Alain Corneau livre un regard désabusé sur le monde l'entourant et emmène avec lui un fantastique Patrick Dewaere pour une descente aux enfers à la fois urbaine, sinistre ou encore sombre, qui ne laisse jamais indifférent et fait froid dans le dos à tout moment.