Film complètement oublié de nos jours, au point qu'on n'en trouve aucune critique sur les websites de cinéma habituels, "Sérieux comme le Plaisir", réalisé par l'écrivain et critique Robert Benayoun (largement tenté par le surréalisme, et ça se voit ici), fut l'un de ceux (ou peut-être celui…) le plus en phase avec les interrogations et les doutes de mon adolescence : j'allais avoir 18 ans quand ce météorite traversa les cieux et rien ne fut plus exactement pareil pour moi... Je commençai d'ailleurs à mettre en pratique certains des jeux avec le hasard prônés par les personnages du film ! Vivifiante célébration du plaisir - à trois - caractéristique des aspirations "hippies" et libertaires de son époque, "Sérieux comme le Plaisir" est une remarquable illustration de ce que Kundera qualifiera plus tard de "l'insoutenable légèreté de l'être", mais surtout une démonstration surréaliste de la suprématie du Hasard sur le Destin. Ce road movie sensuel et insolite bénéficie quand même du talent considérable de Jean-Claude Carrière au scénario, ainsi que d'une distribution incroyable : outre le charme formidablement sexy de la toute jeune Jane Birkin régulièrement déshabillée (sans doute pour beaucoup dans ma passion d'alors pour le film), le casting des seconds rôles laisse rêveur… Michael Lonsdale, Jean-Luc Bideau, Andréa Ferréol, Pierre Etaix, Serge Gainsbourg, Isabelle Huppert, Jacques Villeret, etc. Il faudrait évidemment le revoir, pour pouvoir faire la part des choses entre ses qualités intrinsèques et la manière magique dont il refléta en 1975 "l'air du temps", une aspiration joyeuse à une liberté qui nous paraissait alors, fous que nous étions, à portée de la main. [Critique écrite en 1990 et actualisée en 2016]