Dans les années 70 le flic de cinéma est le plus souvent irréprochable et compétent, héritage de la littérature des Agatha Christie, Conan Dolye, ou George Simenon. Dans le cinéma américain il commence à se faire plus sombre, à l'image d'un Steve Mc Queen dans Bulitt, et à plus forte raison Clint Eastwood dans L'Inspecteur Harry. Côté français on a encore un train de retard, nos flics sont souvent des bons samaritains (Peur sur la Ville) ou bien simplement des bouffons (trilogie Fantomas).
De la même façon qu'il avait donné un nouveau souffle au huis-clos avec 12 Hommes en Colère, Sydney Lumet révolutionne le polar avec Serpico. Lumet dénonce ce que tout le monde sait déjà, la corruption institutionalisée au sein de la police. Pourtant l'histoire semble bien vouloir révéler un secret minutieusement gardé, avec ce personnage de doux ingénu découvrant soudain le vrai visage de ces flics qu'il portait aux nues. Un violent dépucelage pour cette bleusaille persuadé de faire le bien en intégrant les forces de l'ordre.
Frank Serpico, car tel est le nom de ce pauvre naïf, n'a que deux options. Vendre son âme au dieu argent et prendre les pots-de-vin sans broncher comme tous ses collègues, ou bien dénoncer la corruptions à des supérieurs tout aussi corrompus. L'option de laisser faire en espérant ne pas être éclaboussé par un possible scandale n'étant pas envisageable. Le petit Franky flotte un peu entre trois. Refusant catégoriquement de trahir ses idéaux en prenant cet argent sale, dans l'incapacité de dénoncer la corruption parce que ce n'est qu'une petite frappe qui n'est pas audible, il se dégoute lui-même de ne rien faire.
C'est le portrait d'un homme paumé que dresse Sydney Lumet, autant que le portrait d'une police reprochable à bien des niveaux. Encore un portrait assez pessimiste de l'humanité où les quelques hommes de bien doivent batailler ferme pour mettre fin aux injustices et aux débordements de leur congénères.
Un film à la Sydney Lumet, qui revient enfin en force après une dizaine de film qui n'auront pas ou peu marqués les esprits. Serpico est son film culte, bien que surpassé en qualité par 12 Hommes en Colère et Un Après-midi de Chien. Et encore un rôle culte pour Al Pacino aussi à l'aise pour jouer le flic incorruptible que le mafieux sans scrupule.