Pour leur première collaboration, Sidney Lumet et Alfredo Pacino s'offrent l'adaptation du livre "Serpico" du journaliste Peter Maas, qui relatait la vie mouvementée de Franck Serpico, policier new-yorkais dénonçant la corruption des forces de l'ordre et les abus qu'elle peut commettre. Un film ambitieux donc, qui ne va pas hésiter lui aussi à dévoiler les dessous d'une police corrompue, de ses torts, ses travers, ses mécanismes aussi rouillés que bien huilés. En résulte un film extrêmement noir, descriptif, intemporel sur bien des domaines.
S'inspirant de William Friedkin et de son French Connection, Lumet joue avec les codes du genre pour délivrer un long-métrage contestataire, filmant au plus près de ses personnages dans un New-York dégueulasse, laissant parfois ses acteurs improviser et préférant donc le réalisme avant la grandiloquence. Pacino, qui venait de triompher avec Le Parrain, démontre lui aussi d'un savoir-faire époustouflant, l'acteur américain adepte de la méthode Actors Studio étant littéralement habité par son personnage de flic intègre, juste, déterminé mais profondément humain, avec lui aussi ses torts. Un homme droit dans ses bottes qui peut s'avérer inconscient, un époux aimant qui conserve un machisme naturel.
Sa performance de flic dégradé et anéanti par la corruption de la police, se muant progressivement en un hippie anticonformiste, demeure inoubliable et inspirante pour beaucoup. On pourra souligner quelques défauts de rythme ici et là ainsi que, en pinaillant, des soucis d'ordre temporel (les années passent sans qu'on les remarque à l'écran, si ce n'est pour la barbe grandissante du héros-titre). Mais ce classique justifié demeure encore aujourd'hui un grand polar doublé d'un drame social réaliste, poignant et amenant sans cesse à réflexion. Du grand cinéma des années 70.