Dans les années 70, la ville de New-York était au bord de la faillite à tel point que la municipalité ne pouvait plus payer ses éboueurs, ce qui a engendré un climat de tension notamment dans des quartiers comme Harlem. Afin de renflouer les caisses de la ville, la mairie a décidé de faire tourner des films à New-York en laissant libre accès à des endroits interdits ( avec protection policière à l'appui) et en mettant à disposition tous les moyens nécessaires pour la production en échange d'une contribution financière. C'est dans ce contexte précaire et tendu que Sidney Lumet tourna Serpico en 1973.


Sidney Lumet continua son travail déjà entamé dans Le gang Anderson sur les agissements plus que douteux des institutions américaines. Après les écoutes illégales, c'est la corruption au sein des forces de police qui va être le sujet du métrage. Serpico conte donc l'histoire vraie de ce flic intègre qui va malgré lui tenter de faire face à cette corruption qui se propage dans tous les commissariats de la ville et qui est couverte par les plus hautes sphères.
Afin d'incarner ce policier vertueux le cinéaste va s'attacher les services d' Al Pacino fraîchement connu du grand public pour son interprétation de Michael Corleone dans Le Parrain. Les talents de cinéaste de Lumet combinés aux méthodes de travail de l'acteur vont donner au film une forte puissance émotionnelle. Les deux hommes se retrouveront 2 ans plus tard dans Un après midi de chien.



I. L'habit ne fait pas le moine



Le récit se passe sur plusieurs années et nous observons le protagoniste changer physiquement, un élément qui va avoir son importance. Au début ayant un physique très banal, il va au fur et à mesure se transformer en hippie avec cheveux long et grosse barbe. Ce look de par le combat solitaire que mène le personnage peut avoir une signification christique, mais c'est avant tout pour se fondre dans la masse et ne pas ressembler à un flic qui à cette époque se reconnaissait entre milles. Un look qui va fortement contribuer à son exclusion et à sa marginalisation envers ses collègues. C'est avec maestria que Lumet va s'en servir dans sa mise en scène pour en faire une espèce de métaphore notamment lors de ce passage dans le parc ou Serpico va se retrouver encerclé de ses collègues pour s'expliquer sur le fait qu'il n'accepte aucun pot-de-vin. Lors de ce passage, on peut interpréter le fait que les policiers en costume cravate donc " propre" en apparence sont en fait pourris de l'intérieur à contrario de Serpico qui lui semble négligé au niveau vestimentaire, mais qui conserve ses valeurs morales. Le plan large qui suivra montrera tout ce petit groupe se séparer aux quatre coins du parc laissant seul le protagoniste.



II. Descente aux enfers



À chaque nouvelle affectation Serpico va constater la profondeur du mal qui ronge les commissariats de police. Ce sont par ces étapes que le réalisateur va démontrer la descente aux enfers de son personnage. Ça commence avec des petits arrangements avec les commerçants du coin et les flics de patrouille jusqu’au racket des délinquants pour récupérer leurs parts. Le code moral de Serpico va entraîner une méfiance chez ses autres collègues qui vont exercer une pression quotidienne sur lui (menace, fouille au corps, etc…).
Une pression si étouffante que celle-ci va avoir des répercussions sur sa vie privée. La limite entre vie privée et professionnelle n'existe plus. Il est tellement obnubilé et rongé par ce cancer que c'est sa compagne qui va en faire les frais. Il va déverser toute sa colère et sa frustration sur les personnes qui lui sont les plus proches se sentant incompris. La source de cette frustration se retrouve dans le fait qu'il est seul, ni le préfet de police ni le procureur et encore moins la mairie ne réagissent à ses appels à l'aide sous prétexte de "priorité" plus urgente, se contentant de le féliciter pour sa bravoure en tant qu’ « infiltré » mais le laissant tout de même seul se débattre au risque de sa vie qui est constamment jeu.



III. Actor Studio



Quelques mots sur la performance d'Al Pacino qui est complètement habité et tape dans le vrai tout au long du film en s'immergeant complètement dans son rôle. Entre crises de nerfs, épuisement et larmes, il humanise complètement cet homme ordinaire désireux de faire son travail et qui se retrouve oppressé jusqu'à l'étouffement pour défendre les valeurs qui lui sont chères et qui font parties de l'image qui se fait d'un officier de police exemplaire. L'une des meilleures prestations de sa carrière qui lui a valu une nomination aux oscars.


Serpico n'est pas qu'un simple biopic ou un film policier, c'est une œuvre avant tout humaine, une leçon de vie, une bataille perpétuelle contre l'oppresseur pour défendre envers et contre tous des principes de base quitte à être un paria aux yeux des autres.


Pour en savoir plus sur Serpico (anecdotes ou témoignage) c'est par ici :
Looking for Al: le Parrain Shakespearien

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le 7 oct. 2016

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Chris Tophe

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