"Serre-moi fort", c'est d'abord une femme.
Et un synopsis qui tient en une phrase : "Ca semble être l'histoire d'une femme qui s'en va".
Une phrase sybilline et qui pourtant contient tout.
Toute l'essence de la trajectoire de cette femme.
Une femme que trahit sa détresse, qui nous attrape peu à peu au jeu de la mémoire et de l'oubli.
Une femme qui s'acharne à revivre inlassablement les moments de bonheur perdu et réinvente sa mémoire.
Une femme qui au détour d'un plan soudainement nous irradie de son sourire désarmant.
Cette femme, c''est Vicky Krieps qui l'incarne, lui donne chair et nous happe le coeur.
Sublime.
Solaire.
"Serre-moi fort", c'est un film comme une étreinte, qui nous enserre dans les méandres d'une mémoire sans cesse recomposée pour ne pas sombrer.
Qui nous parle de ces refuges que notre psychisme invente pour garder intacte notre capacité à vivre encore.
A refuser l'indicible.
A repousser le cri.
Au plus profond de nos entrailles.
Jusqu'à l'orée de la folie, peut-être...
"Serre-moi fort", c'est aussi une musique.
Envahissante.
Obsédante.
Celle du piano de Lucie, qui égraine dans sa course les notes tantôt suaves et légères, tantôt stridentes et et sauvages, des grands musiciens classiques (de Beethoven à Ravel, en passant par Chopin, Rachmaninov, Debussy... et j'en passe ) que Mathieu Amalric a convoqués pour composer ensemble une "fugue en deuil majeur" absolument magistrale.
"Serre-moi fort", c'est enfin un credo.
En le pouvoir de l'imagination.
En celui de l'écriture.
En celui de la fiction.
Qui sont une porte ouverte sur l'art de recréer le réel, ou de l'apprivoiser, de le rendre plus acceptable.
De le rendre à la Joie.
De le rendre à ce qu'il devrait être, au fond.
Bouleversant.
Un film où se chevauchent et s'enlacent de multiples strates, en de multiples scènes, souvent fugaces, qui dialoguent entre elles et se font écho, comme dans un jeu de miroir, dans un montage incisif et savant.
Un miracle de concision et de puissance.
Un chef-d'oeuvre.