Mais bon… quel chef d’œuvre...
Un de ces rares films qui parlent de la vie avec sincérité. Pas que les réalisateurs ne veuillent pas partager la vérité de manière générale. Mais en voilà un qui ne mâche pas ses mots, ni ne nous préserve d'une dure réalité comme si nous n'étions encore que des enfants.
En voyant ce film, intelligemment réalisé, j'ai parfois détourné le regard mais il fallait que je vois la vérité en face, la complexité du personnage du boucher, son délire et sa totale détresse. Il faut se fondre dans cette ambiance à l'apparence d'un bourreau sadique prêt à nous flanquer le coup de grâce. Certains diront que la violence existe assez dans la réalité pour en rajouter au cinéma. Mais est-on sûr que ces gens ont vraiment bien connu la violence pour l'éviter ainsi. Combien savent qu'elle existe dans la rue ou dans les foyers sans avoir regardé les faits divers d'un 20h en s'écriant 'Oh mon dieu !' - 'Comme cela est triste ! Je ne peux en voir davantage (les yeux mi clos, bien sûr). Voyeurisme, sensibilité exacerbée névrotique, syndrome de l'autruche ?
Des images qui choquent, des scènes troublantes, défiant toutes les règles de bonne conduite inculquées à l'être humain dès son plus jeune âge. Il y a des réalités que l'on pense inavouables que la société est prête à enfouir pour ne pas se traumatiser elle-même. Cette société plongée dans une profonde dépression, se détournant du mal pour un soit disant équilibre. Mais l'équilibre n'est-il pas à la fois la présence du bien et du mal. L'être humain n'est-il pas ambivalent ? D'ailleurs ne faut-il pas connaître le mal pour mieux appréhender le bien ? N'envisager que le bien dans sa vie n'est-elle pas une forme de perversion de la morale ?
Ce film nous demande tout simplement de voir vraiment, de comprendre la psychologie de cet homme écorché vif (remarquablement interprété par Philippe Nahon), d'intégrer, sans peur, ses actes aussi sauvages soient-ils dans notre réalité. Car ces actes son bien réels. Rien dans ce film ne les excuse, ni ne les cache. Par contre tout les explique. Et rares sont les films qui nous permettent d'accompagner un personnage d’aussi près, dans ses pensées les plus intimes, de suivre ses raisonnements, sa déroute, l'évolution de sa folie jusqu'à une totale descente aux enfers. On pourrait espérer un « happy end ». Le personnage parvient à tout recommencer à zéro, il recueille sa fille et vivent heureux. La fille fait des études et devient avocate. Le père s’achète une conduite en passant par un psy et renoue avec cette vie formidable et heureuse.
En réalité (car c’est le réel qui domine et non une réalité offerte par le cinéma aux grands névrosés de ce siècle, à savoir la quasi-totalité de l’humanité occidentale), le père, qui abandonne tout de même l’idée de trucider sa fille et de se suicider ensuite, après réflexion, et pas des moindres la réflexion (le spectateur en est tout retourné…), décide de la laisser vivre, et de vivre avec elle avec sa propre notion de l’amour, de la vie. Le spectateur se voit alors de nouveau confronté à l’un des pires tabous de cette société, le fameux inavouable : l’inceste...