On va commencer par lui redonner son nom original, Concussion parce que Seul Contre Tous ce n'est vraiment pas possible, surtout quand le film de Gaspard Noé du même titre est loin des sentiers de l'Amérique et de son joujou favori, le football américain.
Concussion arrive par chez nous alors que les films sur ce sujet ne passent généralement pas la frontière. Et puis faute d'une polémique il ne faudrait pas oublier les réels enjeux de Concussion ; non ce n'est pas Will Smith qu'il faut retenir mais bel et bien l'art du calibrage au service d'une noble cause.
Au final tout ce qui, pour nous autres européens, tient du défaut c'est aussi et surtout la force du film pour faire passer le message le plus limpidement possible : le football américain peut faire des dégâts sur le cerveau.
Alors comment faire passer la pilule quand ce sport et Dieu sont pratiquement au même niveau, issus d'une culture qui pour moi m'échappe mais qui est pourtant bien un étendard de l'Amérique.
Dès le départ on sent qu'on veut nous présenter un personnage bon, le problème étant que le jargon d'un médecin légiste, et donc par extension la science, ce n'est pas toujours quelque chose de compréhensible. Si on suit le docteur Omalu dans ses autopsies, jamais on a le droit de voir plus en amont son travail, les plans sont cadrés au millimètres près pour que jamais le film ne tombe dans le gore, le voyeurisme ou pire un état de la mort à froid. Le calibrage est pensé pour que jamais le film ne dépasse, ne choque ou ne heurte les convictions de chaque citoyen américain. Jamais de racisme clairement établi, les sous-entendus sont présents mais jamais nommés, le film doit servir un but ultime : la conscience que le sport national nuit gravement à la santé. Et même dans l'approche du football on surfe sur la beauté du sport, il n'est ici pas question de réduire le patriotisme du ballon ovale au rang de déchet mais bien de comprendre la faille neurologique qui réduit de nombreux joueurs à la folie.
Alors certes, d'un point de vue européen on peut paraître déconcerté par autant de détours, autant de précautions pour ne froisser personne ; frustrant l'autopsie qu'on ne verra jamais ; jouant Les Experts pour que la découverte scientifique soit rendue plus accessible, jouant à grand renfort sur l'aide de Dieu, mais comment ne pas reconnaître les efforts sur un calibrage aussi précis dans la réalisation que dans l'écriture pour mieux servir le sujet ? Parce qu'au final on sent là bien l'unique visée du film : sensibiliser les américains sur un problème de santé publique. Les péripéties du docteur Omalu pour son combat montrant largement les faiblesses d'un système capitaliste, tel David contre Goliath. Un combat qui comme le montre si bien la fin du film est loin d'être gagné.
Ainsi nous voyons Concussion sous un angle nouveau, par l'art du calibrage, sans compter qu'on ne s’ennuie pas, que Will Smith joue correctement (mais il n'a pas assez rampé, grogné et bavé pour avoir la statuette) et qu'on découvre toujours et encore que le rêve américain est loin d'être parfait.
Et puis sérieusement, faut pas être d'une intelligence élevé pour méditer sur le fait que plusieurs chocs à la tête même muni d'un casque, c'est pas bon pour notre caboche...