C'est toujours un peu le même sentiment qui s'impose au début des films de Hong Sang-soo. Celui de voir sur l'écran quelque chose d'anodin dont on se demande à quel moment il va pouvoir être transcendé. Et le charme opère (ou pas) à mesure que les minutes passent alors que les motifs habituels du cinéaste se répètent. Presque toujours pareils avec de sensibles variations. De Hambourg à une ville côtière coréenne, Seule sur la plage la nuit présente une femme en rémission amoureuse, comme en deuil d'une histoire douloureuse. Comme toujours chez Hong, ce sont les scènes au café ou dans la cuisine autour d'un repas alcoolisé qui délient les langues et libèrent la parole. Celle de l'héroïne du film, ici, qui cautérise en agressant les convives et soigne en élevant la voix. La mélancolie de Seule sur la plage la nuit est d'autant plus poignante qu'elle est sourde, loin d'être assénée, comme noyée dans une certaine banalité des faits, des gestes et des lieux : une chanson, une cigarette, une promenade suffisent pour ressentir un spleen doux et délicat. Kim Min-hee, la nouvelle égérie du réalisateur, est de la plupart des scènes. Elle est remarquable. Et face aux fantômes du passé, elle oscille comme tout le cinéma de Hong entre la réalité et le rêve, dans un troublant et ouaté no woman's land.