HONG SANGSOO, en platonicien romantique, prépare son "Banquet", une méditation personnelle sur l'Amour. Younghee quitte son travail d'actrice, sa famille et ses amis coréens, ainsi que son amant réalisateur. Avec une amie vivant en Allemagne, elle s'extasie sur la beauté des parcs. Ce n'est pas évident à l'écran... Et dormir sur la plage est tellement poétique ! Mais le cinéaste égare avec complaisance son héroïne dans les parcs et sur les plages.
L'amie Jeeyoung s'est séparée de son mari, vit seule, s'ennuie moins avec Younghee. Je m'ennuie ferme moi-même... Elles déjeunent chez un couple d'Allemands. Le quatuor parle anglais, mais leurs conversations insipides m'exaspèrent. Comment communiquer en n'exprimant rien ? Au mieux, des banalités sur la nourriture (les pâtes sont fait maison)... D'ailleurs, communiquent-ils vraiment ? Gênée par l'anglais, Jeeyoung parle très peu et Younghee s'efforce de combler le vide d'un face à face absurde... Plus tard, le quatuor se promène sur la plage... Un sentiment de vacuité m'empoigne, je songe à quitter la salle...
Dans la seconde partie, Younghee retrouve trois amis en Corée. Chunwoo, programmateur de cinéma, lui conseille de reprendre son travail. Elle rejoint ensuite Myungsoo, désillusionné par sa vie. Il tient un café avec une jeune femme qui le mène à la baguette... Encore un couple mal assorti !
Mon intérêt se réveille quand un dîner les rassemble avec Junhee. Celle-ci propose à l'actrice de devenir son manager. L'idolâtrie lui fait multiplier les flatteries : "Tu as du charme ! Tu es adorable ! Je veux devenir ton amie pour la vie ! etc." Subitement amoureuses, toutes deux s'embrassent. L'alcool explique en partie cette flambée idolâtre et narcissique. Et les langues se délient : l'actrice critique la vie étriquée de Myungsoo, pontifie sur la solitude ou l'amour. On fume, les hommes récitent quelques vers d'un poète aimé. Je reprends espoir...
Après quelques scènes léthargiques dans un appartement et sur une plage, un second dîner réunit l'actrice, le réalisateur et son équipe. Sangwon regrette la fin de sa liaison avec Younghee. Après leur rupture, il est tombé malade, a cessé de travailler. Il la complimente sur ses talents d'actrice, la prie de tourner à nouveau. Sangwon vénère Younghee ! Et tous admirent éperdument le réalisateur et l'actrice, séparés malgré leur passion.
Dans ces deux scènes de Banquet, la conversation prend sens, exprime une philosophie de la vie. Elles sont également imprégnées d'adulation envers l'actrice et le cinéaste. Leur narcissisme s'épanouit sous les hommages. Tout le film tourne autour du nombril de l'actrice, omniprésente à l'écran. Est-ce tellement passionnant ? Ce monde hors sol du cinéma exacerbe les crises de désir mimétique entre acteurs, réalisateurs et leurs fans.
Les trente ou quarante minutes de trop de Seule sur la plage la nuit sécrètent souvent l'ennui. Un grand scénariste aurait aidé Hong Sangsoo à supprimer les scènes superflues ou complaisantes, à se concentrer sur l'essentiel. En Allemagne comme en Corée, un homme bizarre suit l'actrice comme son ombre. Qui est-il ? Une allégorie de ses pensées sur l'amour perdu ? Le fantôme de son passé qui la traque ? Mystère.
Ce film développe une obsession de la nourriture. Dans de nombreuses scènes, on mange et l'on boit, on en discute (saucisses et pâtes en Allemagne). En Corée, un mantra obsède Younghee : "Aujourd'hui la bière est bien meilleure qu'autrefois !" Cela contribue à la monotonie du rythme, à son tempo digestif... Pourtant, seuls deux dîners - au cœur du sujet - m'intéressent dans ce film. Le soju, à forte teneur d'alcool, aide les êtres à exprimer leur vérité. Au "Banquet" de Hong Sangsoo, l'Amour s'invite parfois à la table commune.