Un femme disparaît, et ce sont toutes les Causses qui sont sous le choc. Point de départ de ce que l'on nous affirme comme un thriller, aux allures anticipées de retour aux sources pour Dominique Moll, presque vingt ans après son fulgurant Harry, Un Ami qui Vous Veut du Bien.
Et il faut reconnaître que la première moitié de Seules les Bêtes soutient admirablement la comparaison, le metteur en scène rappelant que l'installation de la tension, il connaît plutôt bien et que cela lui réussit.
Et nous le suivons aveuglément, du centre vers la périphérie de son intrigue. Moll nous invite à relier les points unissant ses différents personnages dans un jeu de marabout d'ficelles, n'hésitant pas à rejouer certaines scènes en adoptant un point de vue différent sur les faits qu'il nous dépeint.
Ce jeu est délicieux, et l'on spécule tout autant sur la prochaine piste que Dominik Moll voudra bien nous présenter, juste ce qu'il faut pour soutenir l'intérêt de l'entreprise, tout en essayant de percer le mystère de cette disparition. Et la structure en forme de puzzle concentrique de tourner à plein régime, en chevauchant même à l'occasion deux continents. Et l'on se dit que l'on peut tenir un Babel à la française... Et que cela a beaucoup de gueule.
Sauf que la tension est tout simplement abandonnée en cours de route. Et si le film demeure plaisant à suivre, il s'abime un peu à se contenter de poser des écrans d'ordinateurs sous le nez de son public, tandis que l'enquête sur la disparition se perd quelque peu de vue.
Et il sera plus question, en deuxième partie de l'oeuvre, de voir jusqu'à quel point une proie sera en capacité d'avaler les hameçons qu'on lui lance et de croire en ce qu'on lui met sous le nez. Et si les acteurs sont tous au meilleur de leur forme, Denis Ménochet en tête, on se dit qu'il est un peu dommage que Seules les Bêtes n'ait pas choisi de garder son intérêt initial de thriller bien monté et mené de main de maître.
Harry, un Ami qui Vous Veut du Bien restera donc longtemps encore au sommet du C.V. de Dominik Moll, qui semble ne pas avoir encore totalement digéré ce premier succès. Tandis que les grincheux soupireront certainement devant certains coups de chance scénaristiques bienvenus.
Et si Seules les Bêtes ne pourra prétendre qu'au statut de film pas mal, son sous-texte apparaît comme une évidence fulgurante à la fin de la projection, rattrapant certains de ses défauts. Car le film dépeint, tout simplement, une sidérante et effroyable solitude affective qui affecte l'ensemble de ses personnages clés. Une solitude procurant un sentiment de tristesse infinie et de gâchis, la recherche que chacun entame étant vouée à un inéluctable échec.
On retrouvera donc dans cette impossibilité, malgré tout, un peu de Harry dans Seules les Bêtes, même si ce dernier demeure une oeuvre imparfaite mais assez attachante.
Behind_the_Mask, blanc comme neige.