Howard Hawks fait partie des tauliers du cinéma classique Hollywoodien en compagnie, entre autres, de John Ford, Frank Cappra, Raoul Walsh et William Wellman. Au travers d'une filmographie longue comme le bras, il aura embrassé de nombreux genres et inspiré une multitude de réalisateurs (John Carpenter par exemple, se réclame ouvertement de lui). Mais s'il a effectivement officié durant la période dite classique, il serait un peu rapide de l'enfermer dans la case du classicisme, car avec des films comme Rio Bravo, Hatari et Seuls les Anges ont des Ailes, il aura ouvert la voie à une certaine modernité dans la manière de mener un récit.


On pourrait même dire que pour un oeil non aguerri, il est plus simple de découvrir aujourd'hui le cinéma de Hawks que ceux de Ford et Hitchcock par exemple. Celui-ci n'a en effet pas le côté élégiaque (et naïf pour les mauvaises langues) du premier, tandis qu'il n'emprunte pas les artifices de scénario et de mise en scène du second (Hitchcock se voyait d'ailleurs plus comme un directeur de spectateurs que comme un directeur d'acteurs).


Avec son apparente simplicité et sa précision, le cinéma de Howard Hawks a donc très bien vieilli et reste très accessible. Si l'on devait trouver un dénominateur commun à la plupart de ses films, ce serait celui de montrer des professionnels dans leurs tâches, et c'est exactement ce qu'il fait avec le film qui nous intéresse aujourd'hui.


Seuls les Anges ont des Ailes est sorti en 1939 et nous narre la vie d'une compagnie aéropostale perdue dans un pays d'Amérique du sud. Une danseuse va débarquer dans ce petit patelin et essayer de comprendre ce qui anime ces hommes prêts à braver tous les dangers afin d'accomplir leurs tâches.


Comme dit plus haut, nous sommes ici à mi-chemin entre le classicisme et la modernité, car bien que le film soit très spectaculaire et ne manque pas de péripéties dans ses scènes d'aviation, une grande partie du métrage est dédiée à la vie quotidienne des hommes au sein de la compagnie, comme une sorte de chronique.


Hawks ne se base donc pas sur une intrigue et une dramaturgie au sens classique, mais n'abandonne pas non plus l'idée d'enjeux et de conflits, car le film s'avère extrêmement bien construit. Dans une démarche qui rappelle parfois, de loin, une vision documentaire, Hawks nous montre alors ces aviateurs affairés avec précision à leurs tâches, leurs joies, leurs conflits et leurs tracas. Et si à l'image du personnage de Bonnie, nous pouvons être choqués au départ par leur apparente insensibilité face aux différentes morts qui émaillent le film, Hawks réussit à briser la carapace et à nous les montrer sous un jour très humain, au-delà de l'héroïsme dont ils font preuve dans leur travail.


C'est cet héroïsme et ce professionnalisme à toute épreuve qui représente d'ailleurs le cœur du film, ou comment, des hommes sont prêts à tous les sacrifices personnels afin d'accomplir leurs tâches et à dépasser leurs propres limites. En ce sens, il partage des liens de parentés évidents avec des films comme Le Mur du Son de David Lean (1952) ou l'Étoffe des Héros de Philip Kaufman (1983).


Avec Seuls les Anges on des Ailes, Howard Hawks réussi à nous embarquer dans cette histoire, avec une force romanesque folle et sans s'attacher à un genre précis. De manière très moderne encore une fois, le film va mélanger des éléments d'aventure, de drame, de comédie et de romance, et cela de façon extrêmement bien rythmée et naturelle, ce qui en fait aujourd'hui encore, un divertissement de très très haut vol et la démonstration parfaite d'un certain savoir-faire Hollywoodien de l'époque, en matière de films grand public.


Pour terminer, le film est disponible en blu-ray mediabook chez Wilde Side dans une très belle copie restaurée, toutes les conditions sont donc réunies pour découvrir ou redécouvrir Seuls les Anges ont des Ailes et par extension, de se plonger dans le cinéma de cet immense monsieur.

Christophe-Parking
10

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le 1 juin 2022

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