Il y a vraiment quelque chose de particulier chez lui lorsqu’il fait des romances. Elles s’accompagnent toujours d’un drame ou d’un dilemme, un choix auquel un personnage est confronté, il lui incombe de devoir agir contre lui-même. Dans L’impossible monsieur Bébé Katharine Hepburn fait tout pour empêcher Cary Grant d’accomplir son devoir de paléontologue, dans La dame du Vendredi ce même Cary Grant contraint Rosalind Russell de revenir au journalisme, etc. Tout fonctionne à travers une contrainte particulière à travers laquelle Hawks joue particulièrement.
Ça fonctionne ici vraiment bien puisque on sent que tout les aviateurs sont sous la contrainte, limite l’appel du ciel et que cette contrainte s’impose à la romance. Elle est source de malheur mais les personnages vivent par dessus elle. Et Hawks livre une mise en scène particulièrement expressif à son propos, tout est insinué subtilement. Un moment particulièrement marquant du film est la situation suivante : MacPherson risque de se s’écraser avec Kid; au lieu de le montrer s’exclamer et fondre en larmes la mise en scène est beaucoup plus implicite, on comprend juste par la situation et la manière dont elle est montrée qu’il ne peut juste pas. Plus tard lorsqu’il atterrit c’est la même chose, les autres aviateurs au lieu de lui dire : « bravo de pas l’avoir suicider comme son frère et d’être rentré alors que tu aurais pu mourrir » lui serve à boire et lui allume sa cigarette. Et c’est toute une subtilité, un soin particulier que Hawks accorde à ne pas faire dans l’abondance mais plutôt a rester dans le très simple qui rend ses histoires efficaces. Il maitrise tout un art de la suggestion et de l’invisible.
La contrainte, le devoir, l’obligation est souvent représenté par le temps : je dois me marier dans X heures, prendre le train à X heures, je dois m’en aller dans X heures, etc. Et Hawks à une vraie science du temps qui passe, de l’image qui représente le temps et de l’inévitable : les personnages ne peuvent éviter leur sort, ils subissent le temps qui passent et leur décision implique un résultat pour eux et ce qui les entoure. On croirait retrouver Sartre. Les choix des personnages les définissent plus que toujours, ils choisissent pour leur futur et pour les autres et sont pleinement responsable de leurs choix.
Ce qui me plaît aussi chez Hawks ce sont aussi ses personnages féminins qui ne sont jamais passifs, elles sont toujours dans l’action, dans le plan, dans le champ. Elles incarnent une sorte d’impossible, un but à atteindre, une chose inaccessible. On sent tout au long du film l’ambiguïté, elles doivent s’en aller, elles doivent partir et devront faire un choix. Et c’est peut être ce que je reproche à beaucoup de films de cette période : la fille reste toujours avec le gars. Toujours des happy endings. Parce qu’ils ont à disposition un matériel hallucinant pour faire des films déchirants. C’est pour ça que la fin de Casablanca marche si bien, même si le déroulé du film est surement moins interessant que n’importe quel films de Hawks, la conclusion est amère et nous vexe profondément. Mais il en reste que Hawks arrive à maintenir l’ambiguïté tout au long du film, Jean Arthur est vraiment scindé par ses propres contradictions et on le ressent.
Hawks arrive aussi à souvent nous piéger en faisant d’un personnage le contraire de ce qu’il nous montre. Il met en scène un MacPherson antipathique qui se révèle le contraire. Et la révélation est d’autant meilleure qu’on nous l’a montré complètement différent. Le fait de nous le montrer différemment passe par des choses très simples : il est isolé du champ lorsqu’il ne part pas dans son avion par exemple.
Howard Hawks c’est un cinéma de l’espoir, un cinéma du temps qui s’écoule, un cinéma du choix, du bon choix.
Mais il y a cette scène de Cary Grant qui pleure, profondément touchante. Un personnage en l’apparence si imperturbable et même un acteur presque imperturbable. Un plan gardé secret par Hawks qui n’est révélé que quand Lee prend la parole, un plan beau, magnifique. Le personnage se retrouve face à l’irréparable : la mort de son meilleur ami. Le thème du choix apparaît encore, il l’a laissé partir consciemment. Et c’est la qu’on trouve toute la beauté du film, dans la finitude de nos vies et notre condamnation aux choix.