Lonely Are the Brave débute, pareil à un western: un cowboy se repose allongé au sol. Mais un bruit de fond nous alerte que quelque chose cloche, un bruit comme un vrombissement de moteurs. Le cowboy (Kirk Douglas) se relève, lève les yeux tandis que la caméra nous dévoile des avions à réaction laissant leur traînée blanche dans le ciel. Le temps du western est fini, nous sommes dans l’ère moderne des années 60 et c’est justement le cœur de ce film : un cowboy perdu et décalé dans ce monde moderne qu’il ne comprend pas et dont il ne veut pas.
Jack Burns c’est le cowboy par excellence, l’homme des grands espaces, celui qui aspire à la liberté qui ne peut accepter aucune barrière, aucune frontière.
Les gens de l’Ouest aiment les grands espaces, ils détestent les barrières, plus il y en a, plus ils les détestent. As-tu remarqué le nombre de barrières qu’il y a ? Avec leurs pancartes : défense d’entrer, de chasser, de camper ! Circulez ! Disparaissez ! Allez au diable ! (…) et les barrières qui disent : « ici c’est la prison, ici c’est la rue. Ici l’Arizona, là le Nevada, ici c’est nous, là-bas c’est le Mexique ».
Il ne donne à personne de droit sur lui, sauf celui qu’il accepte de donner, comme lorsqu’il se fait mettre volontairement en prison pour pouvoir y retrouver son ami Paul détenu. Il y reste le temps qu’il a décidé, pas plus. Il va, il vient. Mais ce monde des cowboys n’existe pas, comme le lui dit Jerry, son amour de jeunesse :
Écoute-moi Jack ! Le monde où Paul et toi vivez, n’existe pas et peut-être même n’a t-il jamais existé ! Ici, c’est un monde réel avec de vraies frontières, de vraies barrières, de vrais lois et de vrais ennuis ! Tu les respectes ou tu perds. Tu perds tout !
Mais Jack continue à rire et à sourire, rien ne peut l’arrêter et que peut-on contre un cowboy et sa superbe jument, à la robe palomino et à la guirlande de fleurs ornant son museau : Whisky. Ils sont faits pour aller ensemble : « Elle a trois ans et du sang Appaloosa. Encore un peu sauvage. » Ensemble ils n’ont peur de rien, ou presque, car lorsqu’il s’agit de traverser une voie de circulation à grand vitesse la jument s’affole et se cabre ! Image incongrue que ce cowboy sur son cheval au milieu d’une voie où circulent les voitures où résonnent les klaxons et fusent les invectives ahuries : « mais tu penses à quoi ? Tu es fou ! »
Superbe portrait que ce cowboy qui a le cœur romantique, le sens de l’amitié, qui nourrit les écureuils rencontrés dans la nature, qui est attaché à sa jument autant qu’à une femme sinon plus, qui est rempli d’idéaux et de rêves. Autour de lui, il suscite l’incompréhension mais aussi le respect et l’admiration voilée du shérif lancé à sa poursuite avec sa bande de fainéants.
Kirk Douglas est excellent dans ce rôle de cowboy rebelle. Lonely are the brave était d’ailleurs son film préféré :
Seuls sont les indomptés est mon film préféré. Le thème de l'individu broyé par la société me fascine. […] Il s'agissait d'un cow-boy moderne qui vit toujours selon le code moral du Far West américain. […] J'ai eu tout de suite envie d'en tirer un film.
On quitte Lonely Are the Brave avec ce regret au cœur : on aimerait tellement que le monde de Jack soit le plus fort et le plus réel !