Le Wu Xia Pian et Tsui Hark, c’est une longue histoire d’amour. Il a œuvré dans le genre à toutes les décennies, que ce soit avec Butterfly Murders dans les années 70, Zu dans 80’s, Swordsman ou The Blade dans les 90’s, Seven Swords dans les années 2000 ou encore Flying Sword of Dragon Gate dans les années 2010. Régulièrement, il a tenté de dépoussiérer le genre, ou tout de moins de le prendre sous un autre angle, quitte à parfois se prendre les pieds dans le tapis au niveau du box-office (The Blade fût par exemple un désastre commercial). Intéressons-nous de plus près au cas Seven Swords, coproduction avec la Corée du Sud et surtout la Chine Continentale, ce qui a permis au film d’avoir un budget conséquent et d’avoir une grosse distribution en Asie. Mais Seven Swords est un film malade en partie à cause du charcutage en règle qu’il a subi à sa sortie. D’un film de 4h au départ, on se retrouve avec un métrage arrivant à 2h35. On ne peut nier les différents problèmes du film engendrés par ces coupes, et pourtant le résultat final ravira à n’en pas douter la plupart des fans de wu xia pian.


Seven Swords est l’adaptation libre du livre de Liang Yusheng, romancier australien d’origine chinoise surtout connu pour être un pionnier de la « nouvelle école » du genre wu xia au 20ème siècle. Il a publié plus une trentaine de romans de wu xia dont certains ont été adaptés en séries télévisées où en films, comme par exemple The Bride With White Hair (1993) de Ronny Yu et donc le Seven Swords de Tsui Hark qui nous intéresse ici. L’histoire se situe à la naissance de la dynastie Ching qui décide d’interdire les arts martiaux en Chine et qui engage une armée de mercenaires pour écraser les villages qui essaieraient de se rebeller. Une communauté envoie deux de ses habitants à la montagne Tian pour essayer de rallier cinq guerriers qui s’y sont retirés. Tous les sept vont se retrouver affublés d’une épée particulière qui leur permettra de se battre à forces égales contre les mercenaires. Seven Swords fait penser sur certains points aux Sept Samouraïs de Akira Kurosawa ou encore au Conan Le Barbare de John Milius. Mais, Tsui Hark oblige, il trouve rapidement sa propre identité. A une époque où la mode est aux wu xia pian bien beaux, bien propres, bien lisses (Tigre et Dragon, Wu Ji, House of the Flying Daggers, …), Tsui Hark va donner une esthétique bien plus brute, bien plus sale au sien, un peu comme il l’avait fait pour The Blade la décennie précédente. Tout d’abord, il y a l’esthétique avec ces paysages désertiques et très arides, l’alternance de couleurs chaudes ou froides à grand renforts de filtres qui désaturent l’ensemble pour un résultat parfois à la limite du surréalisme. On sent tout le danger qui se dégage d’un tel environnement. D’autre part, il y a l’ambiance barbare qu’on ressent immédiatement, avec ces mercenaires qui massacrent un village. C’est barbare, violent, ça tranche des têtes, ça coupe des membres, ça tue des innocents par centaines, hommes femmes enfants sans distinction. Le look sombre, sauvage et bestial, presque inhumain, de ces mercenaires qui ne jurent que par l’argent (chaque mort leur en rapportera), est pour beaucoup à la réussite de cette ambiance. Le sang coule à flot, la poussière est omniprésente et cette sensation de sale règne tout au long du film.


L’univers du film, avec tous ces personnages, devait être extrêmement riche sur le papier. Mais sur le papier seulement car les nombreuses coupes font que la narration de Seven Swords est assez chaotique. Le film est facile à suivre, là n’est pas le problème car le scénario est assez simple (mais pas simpliste). Le souci, c’est que toutes les scènes qui auraient dû un minimum développer les personnages semblent avoir été coupées. Du coup, on nous présente certaines scènes comme très importantes, par exemple celle de l’abandon du cheval, sans qu’on comprenne réellement pourquoi Tsui Hark insiste tant dessus alors que rien auparavant nous permettait de comprendre pourquoi c’était important. Même chose au niveau de la progression du scénario où, à cause de scènes qui semblent manquer, les ellipses temporelles pourront paraitre très étranges avec des personnages qui sont à un endroit et qui, la scène suivante, sont dans un tout autre (on passe d’un paysage désertique à une montagne enneigée en une seconde par exemple). Ces manques entachent la richesse du récit et font qu’il est difficile d’avoir de l’empathie pour certains personnages, d’autant plus que certains, à l’instar de Leon Lai (Les anges Déchus, City Hunter), sont en deçà du reste du casting. Pourtant, malgré tout, Seven Swords fonctionne très bien. La mise en scène de Tsui Hark fait à nouveau des merveilles et est de toute beauté, avec une photographie sublime au point que certains plans pourraient facilement faire office de tableaux. Et puis il y a les scènes d’action. Bien que le réalisateur ait déjà fait mieux, elles sont une fois de plus ici une des attractions du film, rendant aussi bien hommage aux wu xia pian d’antan de la Shaw Brothers (par la présence de Liu Chia Liang, en reprenant une scène de Martial Club, par certaines armes exotiques) qu’au cinéma de Tsui Hark lui-même, avec une caméra aux mouvements volontairement chaotiques et un côté bestial assez prononcé. Les chorégraphies sont réussies et visuellement, bien qu’ils manquent parfois un peu d’impact, les combats ont sacrément de la gueule avec des épées très travaillées ayant chacune leur personnalité. Le final impliquant les personnages de Leon Lai, Donnie Yen et Sun Hong-Lei en tant que grand méchant est une attraction à lui tout seul, à la fois intense, inventif et exécuté avec maestria. Dommage seulement que la musique signée Kenji Kawai (Ghost in the Shell, Avalon) qui accompagne ces scènes manque parfois un peu de souffle épique car le résultat aurait été encore plus impressionnant.


Film malade à cause de nombreuses coupes, Seven Swords n’en demeure pas moins un très bon wu xia pian. Les défauts engendrés par ces coupes sont rapidement effacés par une mise en scène virtuose de Tsui Hark et des scènes d’action d’une grande intensité.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-seven-swords-de-tsui-hark-2005/

cherycok
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le 24 avr. 2023

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