Ca, c'est le genre de film dont il faut sortir la critique en premier jet. Allez, zou.
Je dois vous avouer que ce film est un des rares films que je suis allé voir principalement par esprit d'effronterie : las de voir partout des commentaires dithyrambiques sur ce "portrait d'un homme victime de sex addict" mâtinés d'éloges à la sauce "film à l'esthétique azotée sublime", je me suis rendu dans ma salle de cinéma avec l'envie de rageuse de me rendre compte si ce sex addictisme n'était pas plutôt une simple envie de queuter en plus pressante. Bon, et aussi, la bande annonce était sympa.
Après, faut bien avouer une chose : c'est toujours mieux d'être aller le voir pour ça que pour les même raisons que la plupart des autres spectateurs. A savoir : "c'est cool, ça va parler de cul". Plus ou moins assumé, mais dans l'esprit, hein...
Je vous l'annonce de but en blanc, je n'ai pas été déçu. McQueen et Fassbender ont eu la décence de traiter ce sujet si populaire avec la décence qu'il se doit. Les plans sont éculés et l'accompagnement à la musique classique porte bien son nom. Du New York dans le registre habituel, toujours efficace. La tension dans certaines parties du film monte dans des degrés assez scandaleux pour être véritablement humains et l'impression dégagée par l'ensemble est assez proche de celle de flotter dans le coton, ce qui, en restant très film d'auteur, correspond parfaitement au thème de film.
Seulement voila, patatra. Boum. Vlan. Cling. J'en passe et des plus onomatopées. Là où Shame se prend les pieds dans le tapis, c'est qu'on a la désagréable impression d'être pris pour des ados attardés. Même s'il faut admettre que Fassbender a un pathos à toute épreuve (sérieux, ce mec ferait pleurer un nazi sur le chemin du troisième reich), est-ce que pleurer merveilleusement bien revient vraiment à mimer dignement la honte ? A un moment, on n'est plus face à un homme qui se masturbe trop, on est face à un esthète qui se regarde se salir pour le plaisir de son public.
De même que la réalisation, je l'ai dit, souffre de clichés trop évidents, le jeu de Fassbender est dans l'écueil des acteurs qui ne seront jamais de premier plan. A quel moment s'est-il assez salit les mains pour entrer dans son rôle ? Ce corps travaillé à coup de régime pré-tournage et de scéance de sport intense n'aurait-il pas dû être plus... gras ? Un sex addict véritablement honteux et replié sur lui-même peut-il raisonnablement éviter les excès ? Tout le jeu, les attitudes, les regards, sont ceux d'un séducteur classique, pas d'un fou furieux du sexe. Il ne transparait pas à l'écran assez de tension sexuelle pour soutenir la honte que le film essaye de dessiner.
Et là, je le dis, c'est la faute de Fassbender et uniquement la sienne. La mise en scène et le scénario, sur ce point, sont exemplaires. Si on peut leur reprocher cette esthétique criarde, c'est bien le tout. Pour le reste, l'enchainement des scènes, le rythme si particulier, les cadrages authentiques, les travellings dérangeants, tout est subtilement exécuté. L'ensemble est délicieux de malsanité. Miam.
N'oublions pas au champ d'honneur la prestation remarquable de Carey Mulligan, qui après Drive, a décidément bien préparé sa fin d'année. Un jeu tout en justesse, quelque part entre le crédible et l'incroyable, et une capacité à accompagner Fassbender dans la tristesse qui m'ont agréablement surpris. Enjoy.
Au final, 7 si on prend le film pour un film érotique haut de gamme (parce qu'il faut avouer que ça ferait pas bander un âne) et 9 si on le considère comme le film d'auteur very hype qu'il se veut être. Du coup, un bon vieux huit des familles.