Le réalisateur Chow Sing-chi (aka Stephen Chow) est une figure de proue du 'mo lei tau', genre d'humour saugrenu attribué à la culture hong-kongaise depuis les années 1970-80 (porté notamment par Jackie Chan et les frères Hui). Shaolin Soccer ramène cette mouvance sur le devant de scène au niveau international, à sa sortie en 2002 : pour le grand-public étranger, le cinéma hong-kongais se résume alors aux déluges d'actions orchestrés par John Woo, Johnnie To et Andrew Lau. Ils dominent une scène locale grignotée par les copycat, re-mâchant avec toujours plus d'empressement et de vulgarité des formules à base d'adrénaline et d'arts martiaux.
Un ancien champion devenu estropié et un fan de kung-fu (et de Bruce Lee – incarnant dans l'ensemble de ses rôles : l'ingénu fébrile devenu un monstre d'assertivité grâce à son art) montent une équipe. À cette fin Fung et Sing recrutent la vieille team de moines shaolin fréquentée par Sing : tous des types pauvres ou dépassés, à la ramasse, en marche pour l'association triomphale du kung-fu et du football. Ce postulat rappelle Full Monty (anglais) avec son troupeau de chômeurs strip-teaseurs. Ces hommes prennent leur part dans un monde très compétitif, plein de ressources auxquelles ils n'ont pas accès. Pas revanchards ou mesquins, ces types exploitent leur talent (révélé par le shaolin) et s'arrachent à la médiocrité. Shaolin Soccer est un gentil fantasme de 'petits' optimistes devenant des 'winners' solaires, avec un happy end où toute la mégalopole s'imprègne de la mode lancée par le couple du kung-fu (en couverture du Time, sur une reprise de Kung Fu Fighting de Carl Douglas).
Malgré cette emphase sur le contexte social, le propos reste léger et spécifique : la corruption occupe une place anecdotique et est cartoonesque dans le fond. L'essentiel est de montrer cette bande de losers héroïques (peuplade d'une espèce de Bronx pour enfants) touchés par la grâce du kung-fu, principalement à destination d'un public jeune ('pré-ado' sûrement en cœur de cible). La séance est assez décérébrée mais a des moyens de se faire apprécier : elle attire la sympathie avec ses footeux à la combativité joyeuse et naïve ; elle amuse quelques vannes (comme celle de l'alien) ou des exploits courts mais gras ; enfin elle épate avec ses effets spéciaux aux résultats ouvertement irréalistes (en s'appuyant sur les techniques du wire-fu et du bulle time – comme Matrix pour ses fameuses démonstrations) et présumés hilarants. Ce mélange d'extravagances (visuelles ou caractérielles), de trivialité simili-yankee, d'humour 'élastique' (des gouffres de l'absurde aux sommets des tartes à la crème) est limité par son extrême superficialité – à ne pas confondre avec de la désinvolture : Stephen Chow est certainement perfectionniste et intimement attaché à son sujet (les lubies de Fung renvoient à celles du réalisateur, ancien enfant se rêvant vedette de films de kung fu, comme son idole Bruce Lee).
https://zogarok.wordpress.com/2016/07/15/shaolin-soccer/