Acteur prolifique et emblématique de la comédie hongkongaise, réalisateur à ses heures perdues, rares sont pourtant les films estampillés Stephen Chow qui nous sont parvenus en Occident. Ceci à l’exception notable de Shaolin Soccer et de Crazy Kung-Fu, deux délires hystériques aux titres bien ringards revisitant les anciens arts martiaux chinois sous la forme de farces loufoques, débordant d’imagination, et relais d’une énergie communicative réjouissante.
Shaolin Soccer est une rencontre. La rencontre de deux univers qu’on aurait, à l’image du héros, beaucoup de difficultés à associer en-dehors du contexte du film : le kung fu, d’un côté, terme générique désignant les arts ancestraux du combat en Chine, et de l’autre, le football. Dans les deux cas, un coup de pied. A l’Est, celui de Bruce Lee ; à l’Ouest, celui de Pelé. L’idée est farfelue, de ce fait elle est plutôt à l’image du film : sorte de défouloir culturel à l’écriture simplette mais à l’exécution brillante. Shaolin Soccer, c’est tout simplement jubilatoire.
Un entraîneur éclopé, un capitaine à la rue, un gardien dans la combinaison jaune du Jeu de la mort, des défenseurs obèses et comptables : Shaolin Soccer, c’est Les Sept Samouraïs version ratés de la société hongkongaises. Des pauvres mecs, antihéroïques au possible, à l’exception qu’ils savent pratiquer le kung fu. C’est ce premier contraste, si nigaud soit-il, qui illustre à merveille la réussite du film de Stephen Chow.
Être prévisible dans son imprévisibilité ne désamorce en tout cas pas le potentiel comique du long-métrage qui, s’il ne regorge pas de trouvailles scénaristiques, renforce encore une fois la supériorité intouchable de la comédie visuelle hongkongaise sur ses homologues étrangers : ici, on ne cherche pas la vanne ou la situation, mais le mouvement, l’interaction. La comédie sert l’image et non pas l’inverse.
C’est là tout la puissance du cinéma de Chow. L’adéquation n’est pas simplement absurde (football et kung fu), mais aussi rythmique. Le comique est une composante du coup de pied, ici la violence est un gag cartoonesque. On pourra reprocher à Shaolin Soccer qu’il est un film primitif. Ça se tape dessus, et on est censé en rire – mais là où le délire surpasse le constat lucide, c’est qu’on s’amuse. Pas seulement parce que Shaolin Soccer est fondamentalement généreux, mais aussi parce qu’il n’a peur de rien, et surtout pas du ridicule. Ils sont là pour nous distraire, et rien d’autre, mais qu'est-ce qu'ils le font bien.
Les plus rigoureux s’amuseront à faire ressortir de cette folie une vague réflexion sur le marketing, la rencontre de l’ancien et du nouveau. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Shaolin Soccer est en effet un bon cours de communication. C’est en tout cas plus une anecdote insolite qu’un véritable casus belli : on sait dans quoi on se lance lorsqu'on appuie sur play, et analyser n’en fait pas partie. Si on pourra regretter une abondance de numérique qui nuit parfois à la beauté du geste ; la fluidité, elle, reste intacte. Euphorisant.