Après pas moins de 270 versions du célèbre limier de Baker Street, déclinées sur tous les registres : drame, comédie, fantastique... et bien sûr policier, voila que Guy Ritchie s'empare du mythe en prenant l'option aventure-comédie et en choisissant un acteur américain pour camper Sherlock ; à cela s'ajoute quand même un Britannique pour incarner Watson, et ça confirme le choix du réalisateur d'opter aussi pour un rajeunissement des personnages, un certain charme, une séduction, éléments peu présents il est vrai dans l'oeuvre de Conan Doyle. Ces audaces peuvent choquer des puristes, moi je suis plus tourné vers la déception. Je suis en effet déçu par la façon dont est perçu le personnage de Holmes, et la façon dont Downey renvoie l'image du mythe, car c'est un personnage mythique, et les mythes, faut pas les abimer.
Pourtant, je ne suis pas comme ces vieux barbons conservateurs qui veulent que rien ne change, j'aime l'ouverture et l'innovation, mais dans le cas présent, il y a des trucs qui me déplaisent dans ce film et qui ne correspondent pas à ma conception du personnage, à l'image que je m'en suis fait par la lecture des bouquins, à commencer donc par le style de caractère de Holmes adopté ici : je n'aime absolument pas la représentation qui en est donnée, cette image de faux pouilleux, de gars pas net qui n'est pas foutu pendant tout le film d'être sapé correctement et rasé de près ; dans les livres, Holmes est toujours impeccable (sauf lorsqu'il se déguise pour ses enquêtes), il est raffiné et maniaque, et surtout son don extraordinaire de déduction qui fait toute sa valeur est quasiment absent ici.
A la place, Ritchie opte pour des scènes d'action soi-disant spectaculaires et de stupides scènes de pugilat servies par des ralentis pénibles pour donner un style moderne et masquer le côté tortueux du scénario, bref tout ceci donne de ce Sherlock new wave un côté rock' n'roll incongru qui ne convient pas à ce type d'atmosphère. On voit clairement que le souci de Ritchie est de faire ce qu'il veut, il se fout complètement du mythe.
Peut-être ai-je une vision trop idéalisée de ce personnage, mais c'est une image classique que j'aime, et quand on démolit des trucs qu'on aime, on n'est pas content forcément. Qu'il y ait des nouveautés pourquoi pas ? mais Holmes doit rester Holmes dans sa tenue vestimentaire stricte et son attitude corporelle saine, et non pas jouer les super-héros du XIXème siècle, ou alors ce film ne devait tout simplement pas s'appeler Sherlock Holmes, et présenter un nouveau héros un peu excentrique, émule de Holmes avec des méthodes différentes, là j'aurais pu l'accepter, comme je retiens la musique parodique de Hans Zimmer, c'est une des rares qualités de ce film... et quand j'entend le producteur Joël Silver dire que ce Holmes est le plus proche des bouquins, j'hallucine, ce monsieur dit n'importe quoi, il n'a jamais lu une ligne... je n'accepte donc pas ce traitement iconoclaste, et je suis sans doute trop généreux en note.