Sherlock Junior (1924)

Synopsis : Projectionniste dans un modeste cinéma, amoureux de la fille de son patron, un homme rêve de devenir un grand détective. Un jour, tandis qu'il rend visite à la demoiselle de ses pensées pour lui offrir une bague, son rival dérobe la montre du père, la place chez un prêteur sur gages puis glisse le billet dans la poche du pauvre amoureux. Celui-ci se met à jouer les détectives amateurs. Confondu, il est chassé de la maison...

Au sommet de son art, Buster Keaton nous propose un moyen-métrage captivant, rempli d'onirisme et de poésie. Dans le contexte de l'époque, Keaton s'est déjà affirmé comme un comédien accompli mais avec l'arrivée des Majors et les prémices du cinéma sonore, l'acteur se retrouve dans une impasse. Affirmant ses choix, il maintient son idée et tourne Sherlock Junior en seulement 6 semaines, malgré des restrictions de la part de la maison de production. Du coup, peu de budget est alloué pour la réalisation et Keaton fait preuve d'inventivité et d'ingéniosité pour sortir son épingle du jeu. Cascadeur téméraire, il tourne lui-même ses gags et risque sa vie au détriment de son art (il finira même blessé) ; mais ces contraintes renforcent le message de son film qui finira par être l'une des références en la matière.

Pourquoi me direz-vous ? Eh bien la technique pardi ! Effectivement, ses effets spéciaux, ses gags burlesques, son découpage et son montage sont presque sans reproches. Même la musique synchronisée sur les séquences est réussie. La double projection dans son cinéma, l'effet où il traverse une passante ou encore le changement de déguisement keatonien ne sont qu'un échantillon concret de ses performances en post-production. Cette richesse a aussi contribué au succès du film, même presque 100 ans plus tard.

Côté scénario et analyse, le jeune homme s'inspire du personnage emblématique de Sir Conan Doyle : Sherlock Holmes. Avide de littérature et en particulier des histoires du détective, Keaton avait déjà pré-établi son amour pour ce héros : notamment The Haunted House (1921), The Goat (1921) ou encore The Play House (1921). Dans ces films, il incarne souvent un personnage qui résout des énigmes et utilise des méthodes de déduction similaires à celles de Sherlock Holmes.

On retrouve également les thèmes récurrents du réalisateur : son personnage au visage inexpressif, une quête d'amour et le rêve.

Sur base de ces thèmes, il parvient à extrapoler l'utilisation d'accessoires cinématographiques (exemple avec la cigarette dans la séquence de "l'ombre") et à partager sa vie privée avec ses spectateurs (ancien projectionniste avant de se lancer dans le cinéma, il se sert de cet art comme exutoire à sa vie amoureuse en quête d'amour éternel).

Tous ces éléments ont grandement participé à la réussite du film, et de l'acteur qui atteindra l'apogée avec Le Mécano de la Général, quelques années plus tard.