Le pitch est toujours aussi simple avec Godzilla. Un monstre débarque, il faut lui péter la tronche avant qu'il ne ravage tout. Et c'est à peu près tout ce que pense le grand public en ce qui concerne les films de monstres... À l'origine, Godzilla naviguait sur la grande vague du cinéma SF des années 50, celle ou le message en arrière plan avait encore son importance (un peu comme District 9 aujourd'hui, on en parlera encore longtemps précisément pour cette raison). Les USA parlaient souvent de la guerre froide et de la peur de l'autre, le Japon s'attaquait à la bombe atomique avec Godzilla. La version 2016 ne change pas cette origine, mais la replace dans un contexte actuel. On pensera notamment à Fukushima et à l'eau contaminée déversée dans l'océan, sans pour autant le signaler explicitement.
Le film se concentre à la fois sur les attaques du monstre et sur le gouvernement qui cherche désespérément une solution. Cette implication politique est omniprésente. Elle est bouleversée, désemparé, et malgré les efforts constants, elle ne peut rien face au monstre. Ce gouvernement est dans le désarroi le plus total à chaque attaque du monstre, et l'armée s'en prend toujours plein la gueule. Et pourtant c'est... cool de les voir peu à peu sombrer dans la folie. Cependant cela risque d'être très voir trop lourd pour beaucoup, puisque les dialogues s'enchainent non-stop. Pour ma part, ça ne m'a pas dérangé plus que ça, et je me contente également de la mise en scène afin d'éviter de bailler aux corneilles. On se rappellera des tests qu'Anno réalisait avec sa camera dans les films Love & Pop et Ritual Day. Tantôt il plaçait sa camera sur une chaise, dans une jupe, ou même dans un micro onde, comme si c'était eux qui regardaient le monde extérieur. C'est bizarre et un peu avant-gardiste, mais à peine le temps d'y penser et nous voila déjà trois scènes plus loin. Pas le temps de s'ennuyer donc, à condition de s'y intéresser. C'était également le cas dans Godzilla, lors des longues discussions dans les bureaux, parfois rythmées par un thème dont le début rappelle Decisive Battle d'Evangelion. Et même quand je me suis demandé si les politiciens avaient une vie, à ce moment précis, une pause s'installait pour laisser entrevoir des photos de famille sur des portables. Un moment de tendresse qui sortait de nulle part et qui faisait du bien à voir. Je n'entrerais pas dans les détails des nombreuses discussions, mais les théories devraient affluer quand le film sortira aux USA, surtout en ce qui concerne les textes de loi qui apparaissaient à l'écran.
Bien sur, le film était ponctué par les ravages du monstres, détruisant maisons et buildings par paquet de dix. Je ne sais pas ce qu'il en est des maquettes, et j'ai lu qu'il comportait de la CGI dans les crédits. Mais pour la ville, si c'était une maquette ou non, je ne l'ai pas ressenti ainsi, ou moins que je ne l'aurai imaginé. La ville explosait, pas tout au long du film bien sur, mais les explosions étaient si bien faites, probablement étudiées comme dans cette scène incroyable des Ailes d'Honneamise, qu'elles donnaient mal à l'aise lorsque le monstre se frayait un passage au travers des immeubles. Rappelons qu'une grande partie des scènes ont lieu en plein jour, et c'est cool de voir tout ça après ces dizaines de blockbusters américains où il fallait souvent plisser des yeux pour entrevoir une ombre dans le fond. Mais ici non, même la scène de nuit, à mon sens la meilleure, laisse entrevoir la chair dégueulasse du monstre et sa cruauté de très très prés avec des teintes tantôt rouges et violettes. Je me laissais même croire que l'apparition des chasseurs mirages américains à peine visible était un excellent foutage de gueule.
ET CE MONSTRE ! C'est Godzilla, certes, mais entièrement revisité. Son origine atomique comme expliqué plus haut, sa posture de lézard d'abord, puis celle où il se tient debout avec ses petits bras bizarres, comme si il avait un handicap. Son hurlement effroyable qu'il lâchait dans un râle horrible en s'arrachant les mâchoires. Ses évolutions, jusqu'au paroxysme lors de la scène à Shinjuku. Et même le sens de son nom, passant d'un mélange entre ''gorilla'' et ''kujira'' (baleine) à un projet ''GODZILLA''. Il est désormais un Dieu, et l'homme doit affronter sa colère. Cela n'est pas s'en rappeler Giant God Warrior Appears In Tokyo, le court métrage préquelle à Nausicäa.
Il y a encore de quoi écrire, sur la musique, avec des reprises d'anciens thèmes de la franchise, et aussi des thèmes d'Evangelion, sur la toute fin du film, sur la résolution anti-climatique, sur les trains, sur l'armée, sur le MX4D, sur plein d'autres choses en fin de compte. Et si je peux ajouter plusieurs choses que je n'ai pas apprécié, ce serait peut-être ces dialogues non-stop laissant peu de place au calme, même si ils sont très intéressants. Et le personnage interprété par Satomi Ishihara, qui parle tantôt japonais, tantôt anglais. Elle me donnait l'impression de se donner un genre. Mais je m'arrête là.
PS : Pourquoi "Le véritable Godzilla" ? En japonais, il est écrit "shin" en katakana, mais ce mot peut avoir deux sens. Le premier est "nouveau" (新), mais j'attire l'attention sur l'autre sens, issue du kanji 真, qui veut dire "véritable, vrai, réalité". Je préfère ce deuxième sens, pour deux raisons. La première est que passé le premier film de 1954, les suivants se contentaient d'offrir un combat de monstre, du fait de la popularité du catch au Japon, et aussi de l'émergence d'un très grand nombre de séries du genre tokusatsu, dont Ultraman. Du coup, ce "nouveau" Godzilla est un "véritable" Godzilla, comme le premier. Le deuxième, ce n'est la aussi qu'une supposition, mais je pense qu'Anno n'apprécie pas la version américaine, sans doute vu comme un "faux" Godzilla. D'ailleurs, tout au long du film, les Etats-Unis ne sont pas vu comme des gentils, mais plus comme des profiteurs. À ma grande surprise, c'est la France qui a un bon rôle dans cette histoire.