The Shining est un des derniers Kubrick qu'il me manquait, étant un peu rebuté par l'aspect "horreur" qu'on lui donne. Si certaines scènes sont bien flippantes, ce n'est pas là que l'essentiel du film se joue.
Dès le début, on sent Kubrick, impression qui ne nous lâchera pas jusqu'aux derniers instants : chaque seconde du film est calibrée à la perfection pour nous plonger dans l'ambiance de la folie. Dans la première scène, on suit la voiture de Jack Nicholson qui arpente des paysages de montagne superbes (quels plans aurait pu filmer Kubrick avec des drones…), sorte de dernier bain de fraîcheur contrastant avec tout le reste, métaphore aussi du cheminement intellectuel de cet écrivain raté. L'hôtel est ensuite décoré dans les moindres détails, nous plongeant dans une ambiance kitsch déjà déstabilisante. Même les visons d'horreur, comme cette vague de sang se déversant avec violence dans un couloir, ou les "redrum" effrayants de Tony, sont empreintes de ce souci de la claque visuelle et auditive. La construction narrative, suivant un ordre logique ponctué de gouttes de folie, si bien que réalité et visions finissent par se confondre, suit en fait le chemin de la folie grandissante du personnage principal. Les allées et venues de la folie sont interprétées par Jack Nicholson de manière incroyable : pas besoin d'effet spécial, son sourire et son regard suffisent à glacer le sang. C'est presque un défaut pour un Kubrick. Normalement, c'est Kubrick qui rend les acteurs bons ; là, c'est l'acteur qui fait une grande partie du travail.
Le seul véritable point négatif du film est sa fin un peu bâclée, peut-être est-ce déjà comme ça dans le roman. Le film tenait jusque-là dans un équilibre bancal entre réalité et horreur. Les dernières scènes n'ont pourtant plus vraiment de sens sans être totalement perchées, on est dans un flou artistique que ne renierait pas la fin de 2001 : L'Odyssée de l'espace.