Trois ans après la parution du livre de Stephen King, Kubrick se lança dans son adaptation. Le résultat, époustouflant, va au-delà du livre et l’éclipse totalement. Le réalisateur prit un certain plaisir (sadique?) à dépouiller l’œuvre de King pour ne garder que la trame du récit afin de construire son chef-d’œuvre. Kubrick s’est volontairement écarté du roman de Stephen King; allant du petit détail, dans le livre les haies sont taillées en formes d’animaux et dans le film elles forment un labyrinthe impénétrable, au dénouement final.
La plus grosse réussite de Kubrick a été de se concentrer sur le personnage du père, Jack Torrance, et non sur celui du fils, Danny. Jack n’est pas juste un écrivain en manque d’inspiration qui s’est noyé dans l’alcool. C’est ici un personnage complexe, en proie à ses démons, qui va peu à peu sombrer dans une folie alimentée par le mystérieux hôtel, l’Overlook. Il est clairement utilisé comme une marionnette par le ou les esprits de l’hôtel dont l’objectif s’avère rapidement être Danny et ses pouvoirs surnaturels. Kubrick va donner avec Shining un nouveau visage au mythe de la maison hantée.
Kubrick réalisa un gros travail sur les expressions du visage. La folie, la peur, la haine et la violence sont comme des masques utilisés par Jack et Wendy. Pour Stephen King, Wendy n’est «qu’une serpillère hurlante» dans le film. Pour moi, elle est l’image de la terreur et l’incarnation de la mère apeurée. À l’instar de Jack qui est l’incarnation de la démence. J’ai beaucoup aimé le livre de Stephen King, mais Kubrick l’a sublimé.
L'écrivain eut beau se débattre et tenter en 1997 de reprendre le contrôle de son œuvre en lançant une adaptation conforme au livre, il ne réussit jamais à se réapproprier Shining. En même temps, en confiant l’adaptation à quelqu’un comme Kubrick, il aurait dû savoir à quoi s’en tenir.