Si vous avez le "Shining" vous savez déjà que je ne vais pas vous refaire la genèse de cette adaptation du roman de Stephen King - vu tous ceux qui l'ont déjà faite - ni rapporter ce que ce dernier en a pensé, mais juste préciser que je viens de le voir en version longue américaine. M'enfin ne comptez pas sur moi non plus pour détailler cette vingtaine de minutes supplémentaires, ne connaissant pas suffisamment bien la version européenne (vue seulement 2 fois).
Stanley Kubrick entame donc son film au survol de routes sinueuses (première métaphore ?) empruntées par une auto remontant des flancs montagneux américains jusqu'aux abords enneigés de l'hôtel Overlook, où son conducteur, l'écrivain Jack Torrance bientôt rejoint par sa femme et son fils, se rend proposer ses services de gardiennage pour la période hivernale élargie ; et ce malgré la mise en garde de son recruteur au sujet de son prédécesseur, qui aurait trucidé sa famille entière à coups de hache, avant de se donner la mort... Soi-disant parce que l'isolement d'une petite famille isolée dans d'aussi grands espaces habitables pourrait rendre fou...
Perso, j'aurais comme lui signé des deux mains, et même sans famille ! (Ah bah non, y avait pas internet à l'époque...)
Son fils, Danny, est brillant (hihi) ; semblant carrément posséder des capacités extralucides d'anticipation et autres télépathies associées. Il a même un ami imaginaire, qu'il surnomme Tony - genre le tigre des Frosties puisqu'il prétend que ce dernier vit dans sa bouche -, et qui lui fait dire plein de trucs bizarres pendant qu'il a des visions spectaculaires et terrifiantes de l'hôtel.
En fait il a le "Shining" le gosse, comme un autre vieux gars qui lui fait visiter les cuisines. Et nous, bah on a déjà pas mal les chocottes avec cette zic bien stressante qui nous accompagnera tout au long des pérégrinations de la famille Torrance...
Mais il n'y a pas que la zic qui participe au crescendo d'une atmosphère flippante, unique et redoutablement efficace : la caméra derrière le gamin à vélo dans les couloirs, l'esthétique des différentes pièces de l'hôtel, le labyrinthe enneigé (autre métaphore des méandres du cerveau de Jack), comme les visions "Lynchéennes" parsemant le récit, nous en mettent plein la goule tellement c'est bien pensé, tellement c'est bien filmé, tellement c'est bien dosé.
Car la folie issue de son égocentrisme obligé finira bien évidemment par s'emparer de l'écrivain trouvant toutes les raisons de mettre sur le dos de sa femme ("Les femmes on ne peut pas vivre avec, on ne peut pas vivre sans") et de son fils ("Comment ça va connard ? Est-ce que tu t'amuses ?) ses propres échecs. Et ce d'autant plus que le père Nicholson nous balance un jeu dantesque à la gestuelle et aux mimiques des plus jouissives.
Shelley Duvall, interprétant sa femme, s'avère elle aussi très convaincante et habitée. Le très jeune acteur incarnant son fils, aux pulls tous plus kitsch les uns que les autres, surjoue par moments...
Sans transition, cette version longue nous renseigne davantage sur le passif et les effets de l'alcoolisme de Jack sur sa folie (re?)naissante, sans pour autant alourdir l'ensemble, plus psychologique que mécanique au final. Son désir se perd dans la morbidité (hallucinations) de l'Eros et du Thanatos, comme son travail semble entièrement aliéner sa production artistique - et pas que (excellente illustration philosophique) - jusqu'à ce que les tourments de Jack se précisent, malgré l'élément de la porte du garde-manger suggérant une nouvelle interprétation possible : l'imaginaire.
Enfin, la dernière demi-heure de Shining restera pour moi, et à jamais, l'un des sommets indépassables de l'épouvante et du suspense. La perfection du genre qu'un dernier plan relativement énigmatique viendra couronner de son passé révolu...
Tiens ! Je ne sais pas si c'est ce fameux "Shining", mais j'ai l'étrange sensation, cher lecteur, que tu vas liker cette critique ! :)