Une belle expérience un peu vaine
Quel pari.
Après avoir (re)découvert récemment le travail de Hopper et m'être rendu compte que ses peintures produisaient sur moi un effet incroyable, j'étais très curieux de voir ce que Gustav Deutsch allait faire avec ce projet aussi original que risqué.
On ne peut être qu'émerveillés devant la prouesse technique de l'ensemble. Les oeuvres de Hopper, joliment mises en scène et en lumières, prennent vie d'une manière surprenante. Dès le deuxième tableau (la chambre d'hôtel parisienne), on est happés par l'ambiance qui s'en dégage: Deutsch reproduit ce que l'on pourrait s'imaginer en regardant un tableau (le son hors-champ, le bruit qui vient des rues sur lesquelles les personnages pensifs posent leur regard, ce qui se passa avant et après l'instant immortalisé...). Le choix de se pencher sur trente années d'une femme, personnage omniprésent du travail de Hopper, est assez séduisant; on est confrontés à travers ces tableaux aux états d'âme de cette Shirley fictive, à son regard sur l'Amérique dans laquelle elle vit. De plus, Deutsch contextualise les "moments peints" qu'il décide de représenter en nous offrant un panorama chronologiquement évolutif du paysage social et politique international.
Mais finalement, après l'enthousiasme du début et la surprise que nous offrent les premiers instants du film, on finit tout simplement par se lasser. Les monologues intérieurs de Shirley sont parfois assez vains, et au final, ni la réflexion qu'offre Deutsch sur cette femme et sur cette Amérique ni le travail esthétique ne sont vraiment exceptionnels ou révolutionnaires, le film demeure dans une espèce d'état intermédiaire qui nous frustre et finit par nous ennuyer quelque peu. Du coup, puisque Deutsch n'arrive pas vraiment à faire des étincelles, la monotonie de l'ensemble passe tout près de dénaturer les peintures de Hopper, ce qui justement constituait le risque principal de cette démarche. Finalement, les peintures d'origine sont bien plus marquantes et laissent une place plus importante à l'imagination que ce film, qui ne parvient pas à les sublimer comme on aurait pu l'espérer.