Suite aux succès de films comme The Ring ou The Eye, le cinéma de HK s'est lancé dans une exploitation forcenée du genre horrifique. Malheureusement, dans une industrie en crise, ce recyclage incessant de formules à succès a donné des résultats encore moins satisfaisants que les cycles exploitationnistes de la décennie précédente. Et pour un Horror Hotline... Big Head Monster, il faut se coltiner du Troublesome Night 14, Immortal Spirit ou Black Blood en quantité.
Shiver fait heureusement partie du haut du panier. On pouvait pourtant se montrer légitimement méfiant envers le réalisateur Billy Chung. Auteur de nombreuses séries B, Chung s'est montré très inégal dans sa carrière de metteur en scène. Les réussites mineures comme The Assassin ou Paramount Motel alternent avec les œuvres médiocres comme Killer ou Last Ghost Standing.
Heureusement, Billy Chung bénéficie ici d'un scénario bien ficelé écrit par son presque homonyme, Paul Chung. Bien que la copie proposée par le scénariste ne fasse pas preuve d'une très grande originalité (on sent l'influence d'autres productions horrifiques antérieures), il parvient à composer un récit carré, bien ficelé, sachant ménager suspense, émotion et petits coups de frayeurs. Contrairement à beaucoup de petites productions HK faites pour capitaliser au plus vite sur un phénomène commercial lucratif, on sent qu'un véritable soin a été apporté à l'écriture afin d'avoir une histoire un minimum intéressante à raconter.
On aurait pu craindre que Billy Chung ne parvienne pas à rendre justice à ce scénario. Étonnamment, le metteur en scène semble extrêmement motivé par l'histoire qu'on lui a fournie. Tout comme la création du scénario a fait l'objet d'un soin particulier, sa mise en scène est très travaillée. Chung s'applique à créer une ambiance pesante, pleine de tension, traversée d'éclairs horrifiques. On ne peut qu'apprécier le soin apporté par le réalisateur à préparer ces scènes. Rien que dans la manière dont il compose les plans, on sent qu'il a bien compris la manière dont on crée une atmosphère de peur. Il est bien aidé par la musique composée par un trio de Japonais, tout à fait dans le ton du film et qui ajoute un degré de tension à l'ensemble. Seuls quelques « moments chocs » apparaissent un peu trop téléphonés mais cela n'est qu'un problème mineur tant l'ambiance de crainte demeure constamment présente.
Un autre élément sur lequel Chung met beaucoup de soin dans sa mise en scène, c'est la relation entre Chan et Mok. Une relation capitale tant elle est le cœur émotionnel du film et ce qui le distingue de bons nombres de productions horrifiques récentes. Il ne s'agit pas d'une romance adolescente à la Twins mais bien de l'expression d'une relation amoureuse adulte, en crise face aux assauts de la vie courant et du surnaturel. Au plus près de ces acteurs, Chung s'applique à rendre compte de leurs émotions par des gros plans judicieux et, une nouvelle fois, une composition qui met en valeur leur éloignement affectif. Un quasi sans faute pour le metteur en scène (on aurait juste pu se passer des dernières minutes du métrage) qu'on avait rarement vu aussi motivé et inspiré.
Le professionnalisme de Chung se retrouve également dans son casting. Le choix de Francis Ng tient de la valeur sure. Un des meilleurs acteurs en activité à HK, Ng n'a aucune difficulté à interpréter avec conviction ce policier absorbé par son travail et incapable de s'occuper convenablement de sa moitié malgré ses sentiments pour elle. Nick Cheung a un rôle plus en retrait mais sait se montrer crédible grâce à un sérieux constant. C'est surtout Athena Chu qui tire la couverture à elle. L'actrice est depuis quelques années sur une pente ascendante dans l'expression de son jeu. Time 4 Hope était déjà l'occasion pour elle de se poser en actrice « sérieuse » convaincante. Avec Shiver, elle monte encore d'un cran en proposant une prestation totalement habitée ou son sex appeal est totalement mis de côté. Athena crie, pleure, exprime ses sentiments avec une conviction impressionnante. A quand un long métrage ambitieux pour exploiter cet indéniable talent ?
Avec son inébranlable sérieux, son scénario efficace et une équipe technique motivée, Shiver parvient à s'extirper de la masse des imitateurs de Ring. Et si un ensemble de petits défauts (conclusion ratée, manque d'originalité) l'empêche de vraiment pouvoir se revendiquer comme une réussite majeure du genre, il n'en demeure pas moins un bon petit film fort plaisant.