Shortbus plante immédiatement le ton avec son sujet : il a une vision de la sexualité et il va tenter de nous la faire partager sous différents visages, avec plus ou moins de tact. Le trash du film réside uniquement dans l’approche très crue de la sexualité, filmée sans fard : un homme qui se fait une auto-fellation, des scènes d’échangisme de masse, les enlacements homos filmés en détail… On frôle la pornographie à maintes reprises, car le film est dans une optique de partage du plaisir. Il invite le spectateur à voir la sexualité comme une jouissance qu’on peut partager (comme le dit l’un des organisateurs : « regarder est une forme de participation »). C’est la vision du libertin humaniste en somme, celui qui veut être bien avec tout le monde en baisant avec. Une philosophie bonobo répandue, et complètement débridée. La pudeur, on ne connaît pas dans ce film, mais vu le sujet, on s’y attendait. Là où on est clairement moins convaincu, c’est dans les buts du film. En dehors de cet étalage de plaisir et du discours sur l’assouvissement du fantasme (avec une esthétique très colorée pour faire tendance jeune, peace and love), rien, pas de message constructif, pas de parcours émotionnel marquant. La sexologue frustrée, fascinée par l’orgasme qu’elle n’a jamais connu, se lance dans le sexe à plusieurs en espérant l’avoir un jour, le couple homo tente de s’élargir avec un troisième membre, avant de revenir entre eux (c’est de loin le meilleur portrait, la dérive psychologique du jeune James étant palpable mais peu claire), la dominatrice commence à accorder de l’intérêt aux autres sous l’angle d’une sexualité partagée (mais d’où vient ce complexe initial ?)… Le tout avec d’étranges personnages qui viennent traverser le film, comme un ancien maire de New York, papi octogénaire qui nous donne son avis sur la question ou un photographe qui observe notre couple gay en développant des tendances voyeuristes (hommage à Fenêtre sur Cour). Ces petites histoires sont certes peintures de quelques tendances dans notre société, mais à quoi avancent-elles le spectateur ? Trop légères pour vraiment prétendre être de la psychologie, trop orientées vers l’épanouissement sexuel pour être complètement honnête (aucun quotidien en dehors du sexe ici, le reste est zappé), Shortbus est une bluette légère et faussement casseuse de tabou pour prôner une sexualité ouverte racoleuse et démagogique qui ignore tout ce qui ne touche pas aux parties intimes. Si le film ose parfois quelques piques amusants (3 homos en pleine partouze qui se mettent à chanter l’hymne américain), il s’encombre régulièrement de conversations de comptoirs (une bande de filles qui déclare que l’orgasme, elles adorent ça (Nooon ? C’est vrai ?)), de sentiments nunuches et de scènes de comédie gênantes (le coup de l’œuf vibrant, grand moment de solitude et total échec comique). Rapidement, le spectateur intègre le désir du film, mais décroche quant aux obsessions des personnages qui le laissent complètement de marbre. Parmi ceux qui ont vu le film, une bonne moitié le conseille pour son message « positif » sur la sexualité. C’est un leurre, sous prétexte de prôner une ouverture au Monde (le générique de fin), Shortbus est un film inutile et chiant, qui recycle des poncifs avec une jolie photographie pour casser des soi-disant tabous en embellissant le tout. A cet édulcorant porno-soft, on préfèrera largement Enter the Void, qui se révèle, lui, réellement iconoclaste.
Voracinéphile
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le 28 oct. 2013

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