Le monde du cinéma se divise en deux catégories: Il y a les films qui marquent dès le premier visionnage et ceux qu'on oublie juste après le générique...
Je peux dire sans réfléchir que Shutter Island appartient à la première catégorie.
Je me souviens encore très bien du jour où je l'ai vu au cinéma, je me souviens surtout quelle baffe j'ai prise dans la tête et quel plaisir j'ai ressenti devant ce film. Inqualifiable.
Shutter Island ne peut pas se ranger dans une case, ce n'est pas une simple enquête sur la disparition d'une femme, ce n'est pas juste la vie trépidante de Teddy Daniels le Marshal. Ce film est un jeu de pistes, à chaque moment il joue avec son spectateur, lui donnant des indices sur la résolution finale et le perdant un peu plus en même temps.
À chaque fois que je pensais être sur la bonne voie, je me rendais compte que je faisais fausse piste et j'ai adoré ça. On peut penser du coup que revoir le film n'apporte rien et qu'on aura pas la même sensation, je le revois chaque année avec toujours autant de plaisir.
Car tout fonctionne. L'ambiance est indescriptible tellement elle pèse dès les premières minutes sur le spectateur et ce jusqu'à la fin. La musique participe grandement, je dois dire que je la trouve parfaite, parfois pesante, parfois angoissante ou bouleversante lorsque cela est nécessaire...
Je repoussais sans cesse la sortie de cette critique (t'as vu l'allitération ?), ce film est tellement complexe je ne me sentais pas capable de tout dire, donc je ne ferai pas d'analyse, de toute façon il doit en exister des centaines qui seront bien meilleures que la mienne.
Par contre il y a quelque chose qui m'a toujours choqué, ce sont les gens qui disent que la fin est ambiguë (il est d'ailleurs classé dans le sondage des films à la fin la plus ambiguë), non pour moi on ne peut pas faire plus clair !
Contrairement à pas mal de films où on laisse libre choix aux spectateurs de la résolution de l'enquête et du final, la même année sortait Inception, coïncidence ? Je ne pense pas.
Bref, je m'égare, ici tout nous est expliqué au moment où Teddy entre dans le phare, il n'y a pas de place pour le doute. Et la fin est tout aussi clair, alerte spoiler: évidemment que Teddy a compris ce qu'il était, il accepte son sort car il ne peut pas vivre avec tout ce qu'il a sur la conscience et feint d'être encore malade. La phrase qu'il prononce juste avant de quitter le docteur est très claire: "Qu'est-ce qu'il y'a de pire pour vous : vivre en monstre ou mourir en homme de bien?"
Il explique simplement son geste au médecin avant de laisser faire les choses.
L'interprétation de Di Caprio est d'ailleurs exceptionnelle, je crois que c'est dans ce film que je le préfère, pendant une bonne moitié de film il est sous pression, sujet à une paranoïa ambiante, il est à fleur de peau et peut se montrer très violent mais au fond c'est un homme brisé. Un homme qui se perd lui-même dans le monde car il ne veut plus y vivre, son personnage est génial de complexité.
J'aime beaucoup "Chuck" son coéquipier, déjà parce que j'adore Mark Ruffalo hein, mais son personnage est fort sympathique, cherchant sans cesse à raisonner Teddy, à le tempérer, mais aussi à le pousser à découvrir la vérité.
C'est ici que l'on voit tout le talent de Martin Scorsese, le réalisateur peut toucher à tout, spécialiste dans les films de gangsters une période (ou de anti-héros), il place ici un personnage multi facettes dans un décor sombre et le voir évoluer est un régal. Qu'on aime ou qu'on aime pas Scorsese, il sait se servir de ses acteurs et en tirer le meilleur et sa mise en scène est toujours irréprochable.
Merci pour ce moment inoubliable au cinéma.
Faut s'tirer de ce caillou Chuck !"