Évacuons d'abord la déception que de voir Scorsese travailler aussi docilement dans le genre "entertainment". Avouons notre désarroi devant un sujet aussi peu scorsesien que la schizophrénie, qui aurait mieux convenu à un Cronenberg ou à un Carpenter. Admirons plutôt le talent du couple infernal Scorsese-DiCaprio, qui nous emprisonnant dans une mécanique ultra sophistiquée, raffinée même dans son travail sur les illusions et leurs diverses représentations à l'écran : oui, "Shutter Island" est l'un des labyrinthes mentaux les plus éprouvants dans lesquels nous ayons été baladés - comme des rats de laboratoire. Au delà du twist final un peu "mode" - mais ici émotionnellement redoutable - du thriller de Lehane, Scorsese nous livre avec "Shutter Island" un film furieusement pessimiste, que l'on peut voir in extremis comme une constatation hébétée devant l'impossibilité d'être un "honnête homme" au sein d'un XXe siècle gangréné par l'horreur absolue (l'Holocauste, la Bombe, la science sans conscience...).


A noter que, paradoxalement, revoir "Shutter Island" sur petit écran permet de passer outre l'encombrant barnum du film fantastique à gros budget, et de se concentrer sur des plaisirs plus délicats, et en particulier la profonde richesse du jeu de Leonardo DiCaprio, dans l'un de ses plus beaux rôles à date, sans doute l'un de ses plus matures et déchirants...
[Critique écrite en 2010]

Créée

le 15 août 2014

Modifiée

le 6 oct. 2014

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Eric BBYoda

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