En tant qu'auteurs-réalisateurs, Audrey Dana et Philippe de Chauveron (Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?, Débarquement immédiat, le prochain et redouté A bras Ouverts) ont un point commun : en attaquant par le rire des thèmes de société (pour elle, la représentation des femmes, le sexisme et maintenant la question du genre ; pour lui, le racisme, les préjugés et bientôt le problème des réfugiés), ils manquent systématiquement leur coup et livrent un résultat inverse à leurs ambitions initiales : lui fait des comédies malaisantes dont l'humour rance fonctionne uniquement sur les clichés racistes qu'il participe à véhiculer, elle flirte dangereusement avec la misogynie.
Après avoir signé avec Sous les jupes des filles une comédie vulgaire et atterrante qui confondait réalisme et caricature, Audrey Dana, par ailleurs excellente comédienne (et très belle femme qui s'exhibe volontiers sous l’œil de sa propre caméra), continue de s'égarer sur la route d'une maladresse contre-productive stupéfiante. A commencer par sa présentation des deux collègues de chantier et futurs amoureux : elle, timide et maladroite, baisse la tête et bafouille comme une petite fille coupable devant l'ouvrier mastoc qui, forcément, la prend de haut ; lui, droit dans ses pompes de mec très mec (c'est à dire grande gueule, coureur et infidèle), monte le ton et ferme son claquet au même ouvrier, imposant sa virilité de mâle gradé sur le petit employé qui peut se moquer de la patronne mais pas du patron.
Parce qu'il n'y a qu'avec une paire de couilles entre les jambes qu'on peut se faire respecter dans notre monde sexiste ; et ça tombe bien, il va justement en pousser une à notre héroïne. Le temps de s'habituer à ce membre encombrant (parce qu'en plus la bite est grosse et belle), elle va progressivement prendre en assurance, humiliant son ex et gagnant le respect de ses collègues, s'imposant dans sa sphère professionnelle et intime par la force d'un caractère que l'on ne peut décidément conquérir qu'en étant équipé pour pouvoir pisser debout.
CQFD - vaut aussi pour Caricature Qui Fait Désespérer.
Pendant une bonne partie du film, j'ai pensé à mon ex belle-sœur, petite nana de 1m60 qui fait grosso modo le même boulot que le personnage campé par Audrey Dana et n'a jamais eu besoin d'un pénis pour se faire respecter dans un univers presque exclusivement masculin. J'ai pensé aussi à toutes les autres femmes de ma vie, que j'aime et que j'admire, qui ne se sentent pas obligées de jouer la carte de la princesse fragile ou du routier canaille pour se positionner face aux hommes, pour assurer dans leur taf et leur vie privée, pour répondre intelligemment à un sexisme bel et bien réel mais qui peut se combattre autrement qu'en caricaturant les choses.
Et je me suis dit qu'elles trouveraient probablement comme moi ce film pas drôle, grossier, sans doute pétri de bonnes intentions (on sent bien que le personnage incarné par la toujours impeccable Alice Belaïdi est là pour rééquilibrer les choses, contrebalancer les clichés, mais ça ne suffit pas) mais gênant à force de nourrir les a priori débiles qu'il entend dénoncer.