Je suis venu vers ce film avec toute la bienveillance du monde. Je n'ai jamais été insensible au charme de Virginie Efira (en plus, on la voit dans le plus simple appareil donc je ne peux pas dire que cette œuvre est entièrement inintéressante !). Et de Justine Triet, j'avais franchement bien aimé son précédent film, Victoria, avec la même Virginie Efira. Mais voilà, Sibyl... ou plutôt Justine est prise en flagrant délit de péter plus haut que son cul...
On comprend que la protagoniste est une psychiatre qui aurait bien plus besoin de consulter que ses clients, qu'elle fait le parallèle entre la vie de sa patiente (jouée par Adèle Exarchopoulos !) et un passé triste, etc., etc. Bon, c'est simple, il y avait de quoi donner matière à un bon film efficace.
Mais voilà, comme le film... ou la réalisatrice pète plus haut que son cul, Triet croit que faire mumuse avec la chronologie est un moyen de faire genre plus intelligent, plus profond, avec des flashbacks ostensiblement brumeux qui n'apportent rien. Ben non, cela ne fait que rendre une première demi-heure particulièrement saoulante à regarder. D'autant plus qu'il n'y a pas énormément de choses de racontées concrètement pendant celle-ci justifiant non seulement ce type de structure quant au récit, mais aussi cette durée.
Quitte à prendre trente fichues minutes, l'ensemble aurait eu tout à y gagner en faisant dans la simplicité, pour par exemple bien creuser son personnage principal (là, c'est une coquille vide ayant des réactions stéréotypées, désolé !) au lieu de faire dans la prétention à deux balles qui n'est là que pour le cliquant et la confusion inutile.
Heureusement que sur le plan de la narration, on vire dans quelque chose d'un peu plus simple par la suite. Ah ben oui, mais non, d'autres défauts se mettent en avant à ce moment-là. Youpi...
D'abord, la distribution des rôles secondaires est inégale. Si Sandra Hüller s'en tire avec tous les honneurs en réalisatrice essayant de tourner son film en véritable professionnelle, malgré de gros problèmes personnels (on est d'accord que c'est le seul point positif avec Efira à poil ?), Adèle Exarchopoulos n'est pas très à l'aise dans un rôle trop sophistiqué pour elle (sa spécialité et sa limite, ce sont les rôles de fille spontanée, naturelle !) et le trop tôt disparu beau gosse Gaspard Ulliel se permet de jouer comme une patate en donnant à son jeu autant de présence et de puissance... qu'une patate, une très belle patate, mais une patate quand même.
Ensuite, chaque scène se complaît inutilement dans une sorte de glauque désespérant et conflictuel en compilant la quasi-intégralité du contenu du catalogue des ressorts psychanalytiques et comportementaux les plus attendus (rapport avec la mère, autodestruction constante à base d'alcool, crise d'inspiration dans l'écriture, traumatisme amoureux, etc. ; toutes les cases sont pour ainsi dire toutes cochées !). Et sous cette overdose psychanalytique à deux balles, il faut vraiment que ce soit complètement désespérant et conflictuel à chaque fois. Elle en a mis une sacrée tartine, bordel. Il n'y a pas d'alternative plus subtile selon la réalisatrice ? Les petits moments de normalité, de calme qui arrivent même dans les existences les plus tempétueuses pour donner plus de nuances aux caractères, pour que les éruptions de descente aux enfers soient plus percutantes, non ? Ah non, pour faire genre trop trop triste et pour faire trop trop profond de sa race, il faut que ce soit désespérant et conflictuel 24 heures sur 24.
Là, vous allez peut-être arguer que le très bon Victoria ne respire pas la joie non plus. Oui, mais pour Victoria, c'est différent. Le précédent film de Justine Triet avait le mérite de prendre le désespoir de la vie en faisant la part belle à toute l'absurdité qui pouvait en ressortir, en prenant un recul caustique. Ici, ça se prend désespérément au sérieux de bout en bout.
Bon, après cela, il est inutile de préciser qui je préfère entre la Justine Triet talentueuse de Victoria et la Justine Triet prétentieuse de Sibyl. Il serait peut-être temps d'arrêter de se mater le nombril pour se regarder en face.