Apocalypse Ñow
Ce qui fait de Denis Villeneuve, depuis maintenant quelques années, une véritable valeur sure du cinéma nord-américain, c’est qu’il est tout sauf un pur produit hollywoodien. Prisoners n’était pas...
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le 10 oct. 2015
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Denis Villeneuve (Prisoners, Enemy), spécialiste des thrillers à haute tension, revient pour un film de cartel : Sicario. Présenté au Festival de Cannes 2015, le film nous emmène dans les paysages désertiques du sud des Etats-Unis que les fans de Breaking Bad connaissent bien. Bien qu'il n'ait pas remporté la Palme d'Or, Sicario a marqué les esprits sur la scène cannoise. Que vaut le nouveau film du réalisateur canadien ?
Kate Macer (Emily Blunt), jeune recrue idéaliste du FBI se voit greffée à une équipe de lutte contre les cartels à la frontière mexicaine, devenue une zone de non-droit. Ce groupe d'intervention d'élite dirigé par le charismatique agent gouvernemental Matt Graver (Josh Brolin) mène des actions coup de poing afin d'éliminer le trafic de drogue mexicain. Au lieu d'essayer d'éviter les conséquences des actions du cartel, Kate a maintenant l'occasion de remonter aux origines du mal en atteignant les vrais responsables. En suivant Alejandro, un mystérieux "consultant" au service du gouvernement, elle participe à des opérations clandestines et sera poussée à remettre en cause ses idéaux et ses convictions.
Le scénario est bien ficelé, le scénariste Taylor Sheridan nous balade entre action et réflexion sur la pente douce mais tendue du questionnement sur le bien et le mal. La psychologie des personnages est travaillée et si certains d'entre eux sont volontairement impénétrables, Kate est un personnage auquel le spectateur peut s'identifier. On la suit alors qu'elle se jette dans le grand bain. Ses supérieurs lui donnant très peu d'information sur ses missions, elle se sent perdue, comme le spectateur. Kate comprend alors progressivement ce qui lui arrive, ce qui n'est pas forcément pour la rassurer... Seul point noir sur le scénario, les explications parfois un peu trop rapides peuvent dérouter ou générer une mauvaise compréhension des ficelles du film.
La réalisation sublime la qualité du scénario. Denis Villeneuve, maître dans la mise en scène de la tension, excelle dans des scènes mémorables telle que celles en caméra infrarouge et celle de l'embouteillage que l'on peut apercevoir dans la bande-annonce. La réalisation est osée, très centrée sur Emily Blunt, ce qui permet au spectateur de rentrer d'autant plus dans la psychologie de Kate.
Les acteurs ne sont pas en reste avec en premier lieu une Emily Blunt crédible dans un rôle très psychologique. Contre la volonté des producteurs, le scénariste Taylor Sheridan a réussi à imposer que le personnage principal de l'histoire, inspirée d'une femme militaire qu'il a connu, soit féminin. On espère que le box-office finira par lui donner raison, ce qui pourrait permettre d'améliorer l'égalité homme-femme qui est loin d'être acquise à Hollywood. Les résultats de début d'exploitation sont assez légers pour l'instant, alors allez voir le film ! Du côté des bonhommes maintenant, Benicio del Toro signe une bonne performance. Impénétrable, blasé, secret, il représente tout ce que l'on attend de son personnage Alejandro. Josh Brolin est remarquable en chef d'expédition à la limite du sadisme.
Mais au-delà de la qualité artistique du film, un réel questionnement émane de Sicario. Tel Machiavel, Alejandro et Matt justifient les moyens par la fin, ce qui générera un véritable clash idéologique avec la très idéaliste, droite et procédurière Kate. Le film nous montre l'importance de l'action et la necessité de savoir déjouer les règles de la société que l'on a créée afin de rendre cette même société plus vivable et plus ordonnée. L'ordre et la morale sont-ils plus importants que la justice ? Est-il acceptable de faire du mal pour un plus grand bien ? Au-delà de ces questions importantes, mais pas pour autant inédites, Sicario nous permet de nous interroger sur les vraies origines du mal, avec une réponse très inattendue.
"Tueur à gages" (la traduction du titre) ne fait pas tâche dans la filmographie du Canadien : suspense, tension, réalisation brillante, psychologie, le film revêt tous les atouts des films de Denis Villeneuve. Comme dans Prisoners, il nous montre les capacités de l'homme à dépasser les limites et à commettre des atrocités. Bien qu'un peu complexe et pas aussi psychologique que Prisoners, Sicario est un excellent thriller qui emmène le spectateur exactement où il le veut. Le film fait se questionner le spectateur sur ses valeurs de bien et de mal, sur la justice dans un monde ou "La loi n'est plus la règle".
Bonus :
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les institutions policières et judicières américaines, voici un petit résumé de ce que font celles qui apparaissent dans Sicario. (Source : Wikipédia)
FBI : Federal Bureau of Investigation ("Bureau fédéral d'enquête). C'est le principal service fédéral (donc ayant autorité sur tout le pays) de police judiciaire et c'est aussi un service de renseignement intérieur. C'est l'organisme d'enquête majeur du gouvernement américain.
CIA : Central Intelligence Agency ("Agence centrale de renseignement). L'une des agences de renseignement les plus connues des Etats-Unis. Elle est chargée de l'acquisition du renseignement (notamment par l'espionnage) et de la plupart des opérations clandestines effectuées en-dehors du pays. C'est à peu près l'équivalent de la DGSE française ou du MI-6 anglais.
DEA : Drug Enforcement Administration ("Administration de la lutte anti-drogue"). Le service de police fédéral américain chargé de la mise en application de la loi sur les stupéfiants et de la lutte contre le trafic.
Marshals : Les Marshals ont entre autres pour mission le transport des prisonniers fédéraux et la protection des témoins menacés lors d'une procédure fédérale.
SWAT : Special Weapons And Tactics ("Tactiques et armes spéciales"). Unités de Police spécialisées capable de mener des opérations à hauts risques avec un armement et des tactiques adaptées. C'est à peu près l'équivalent du GIGN français.
Créée
le 18 oct. 2015
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