Voilà un film qui vaut par ses personnages puants à souhait, de jeunes bourgeois urbains qui évoluent dans un univers confortable, entre sapes de marque, meubles design et ordinateurs Macintosh. Totalement centrés sur eux-même, sur leur réussite personnelle et, à cette fin, sur l'image qu'ils renvoient à leur micro-société. De purs produits des castes privilégiées des sociétés capitalistes occidentales modernes, tellement imbus de leurs petites personnes qu'ils se marchent les uns et les autres sur la gueule, dans leur monde de faux-semblants et de petites phrases assassines.
Évidemment, quand ça ne marche pas aussi fort que ça devrait alors que le petit copain commence à péter le feu, dame Frustration accoure à grands pas. Du coup, cette pauvre quiche de Signe, qui a manifestement déjà testé le dopage, s'essaye à une forme innovante de cette pratique, une sorte d'anti-dopage. Innovation, quand tu nous tiens...Elle ingurgite donc une quantité impressionnante d'un remède, fort opportunément russe, dont les effets secondaires, qu'elle a bien pris soin d'étudier avant de se lancer, vont littéralement la métamorphoser, et aussi la déglinguer sévèrement. Mais aussi, but ultime de la manœuvre, frustrer gravement son bellâtre de petit ami, en détournant l'attention qui lui est porté sur elle. Pathétique.
Il y a un brin de Kafka dans cette histoire; Signe devient extérieurement aussi répugnante qu'elle l'est intérieurement. Sauf qu'à la différence de ce pauvre Gregor Samsa, c'est par sa seule volonté que sa métamorphose survient. Le film tourne alors à la critique sociale féroce, détruisant au passage - par l'absurde - une jolie ribambelle de pratiques très en vogue actuellement, en mettant en exergue l'hypocrisie qu'ils sous-tendent derrière leur bienveillance affichée : inclusivité et compassion envers la maladie, par exemple. Réseaux sociaux, journalistes et médias n'échappent pas au jeu de massacre, qui se déploie d'autant plus facilement en fin de film qu'alternent de plus en plus souvent, Signe perdant la boule, les séquences réelles (au sens du scénario) et celles qu'elle fantasme.
C'est un peu gore, inventif, mais finalement pas vraiment jubilatoire tellement c'est méchant par moments. Comme si, devant tant de connerie, la satire n'était plus opérante et qu'il faille passer à un stade supérieur.