Silence est un magnifique plaidoyer particulièrement assumé pour le catholicisme. De la première à la dernière seconde du film, l'objectif est de nous soutirer des émotions telles que pitié ou admiration envers la foi jésuite malmenée par les japonais. Cette ligne directrice pro religieuse peut réellement être considérée comme audacieuse en 2017 où être chrétien n'est aux yeux du peuple qu'un acharnement à respecter de vieilles coutumes dépassées.
Cette idée à contre-courant ne nous convaincra pas pour autant.
Le padre Rodrigues interprété par Andrew Garfield défie les sommets de ce que peut être un personnage principal insupportable : tel Roger Moore toutes les épreuves qu'il endurera ne lui ôteront pas son physique de beau gosse et ses interventions en voix-off dans lesquelles il chuchote sensuellement sont déplacées quelque soit les émotions qu'ils essayent d'exprimer...
Si l'on passe outre ce Jésus-wannabe, on se heurtera à d'autres obstacles à la crédibilité du film, telle l'inexactitude historique de la propagation de la langue portugaise au Japon. Était ce vraiment nécessaire de faire parler autant de personnages cette langue qui n'était pourtant que baragouinée par quelques interprètes à l'époque ?
Par ailleurs, Scorsese comptait t-il nous convaincre de la légitimité du catholicisme à s'implanter sur l'archipel, en nous bernant par des débats d'un niveau excessivement bas de la part d'un inquisiteur et d'un prêtre spécialiste ? La bonne réponse à "Le Japon pourrait devenir monogame" serait "le Japon a déjà sa femme, elle s'appelle Bouddhisme" et pas un éclat de rire de mauvais méchant de comics.
Le film a en tout cas une vision très intéressante et très sombre de la culture Japonaise (tout du moins celle de l'ère Edo), que l'on pourrait élargir à une vision très sombre du protectionnisme culturel dans son ensemble. Les padres jésuites les plus fervents croyants se voient absorbés par la société nipponne, comme par un judoka qui retournerait la force de son adversaire à son profit.
On peut de plus sentir l'aigreur du réalisateur dans la considération des non-croyants pour le catholicisme : la phrase qu'énonce l'homme qui cherche à lui faire fouler du pied une représentation de la Vierge, "C'est simplement une formalité", est un condensé de tout le dédain que ressentent les infidèles pour l'entêtement des Chrétiens à respecter une idole.
Le fait qu'un ultime crucifix soit retrouvé dans les mains du héros dans les dernières secondes insiste une dernière fois sur la l'irréductibilité de la foi catholique, malgré tous les doutes que la souffrance a pu engendrer dans le cœur des croyants. Une morale bien moins complexe que ce sur quoi nous aurait fait réfléchir la Bible.