Monique, comme la mère d'Augustin !
Voilà comment réagit notre padre lorsqu'il apprend que l'une des Japonaises converties se nomme Monique. C'est une référence qui n'est pas anodine, car tout le film se construit en référence à un ouvrage qui fait autorité dans la littérature théologique chrétienne, Les Confessions de Saint-Augustin d'Hippone.
Tout le film est un miroir de dialogues, de confessions. Entre les prêtres et Dieu d'une part, entre les convertis et les prêtres de l'autre. La seule différence se situe dans le Silence. Quand Dieu, souffre silencieusement aux côtés du croyant, les prêtres, eux répondent aux fidèles. Ce qui a d'ailleurs comme conséquence directe (à une exception près) de renforcer la foi de ceux-ci. La foi est alors une réponse au domaine du sensible, en l’occurrence de l'audible.
Le personnage principal est hanté par ce silence, insurmontable en dépit des prières et des confessions envers Dieu. Saint-Augustin aussi souligne ce silence dans les cinq premiers livres de ses Confessions. Pourquoi Dieu ne répond-Il pas ? N'ai-je pas assez souffert Lui?
Voilà à mon sens la partie la plus intéressante du film, je vais désormais tenter de justifier mon 5/10 (qui aurait pu être un peu moindre, mais je suis dans un bon jour).
Reprenons les choses dès le début. Deux Jésuites portugais décident de se rendre au Japon afin de retrouver un compagnon qui aurait abjuré sa foi. Jusque là tout va bien. Je trouve l'idée cool. Très cool même. Il y a tout un courant qui se développe depuis vingt ans dans l'historiographie; c'est ce qu'on appelle la connected history. On tente de voir comment se sont noués au XVI et XVIIe siècle, les contacts entre des peuples qui étaient jusqu'alors totalement étrangers l'un pour l'autre. Les Jésuites sont un des objets d'études privilégiés, j'ai peut-être été trop ambitieux en me disant que ce film allait être plein de nuances, et s'inspirer de ce courant historiographique. C'est tout l'inverse qui s'est produit, une belle apologie de l'évangélisation du monde, sans l'ombre d'une vraie nuance et critique sur le bien fondé de cette entreprise.
Ce qui a rapidement commencé à me gêner, c'est le fait que le réalisateur à fait le film comme s'il était jésuite lui-même. Au début, je me suis dit "c'est pas grave, c'est juste le début du film, il va nuancer son propos". Rien du tout, 2h46 de répétitions. Tu vas abjurer ta foi saligaud ? Allez marche sur un portrait de la vierge, sinon on te torture.
Le schéma du film était quasiment calqué sur ce rythme
"Tu vas abjurer"
"Non"
"Ok"
"Tu vas abjurer?"
"Non"
"Ok"
"Tu vas abjurer putain de merde ? "
"Ok d'accord"
Bordel, le seul moment où ils présentent le bouddhisme c'est pour montrer des prêtres avachis ou zélés.
Et pis, c'est quoi ces Japonais bilingue anglais(portugais) -japonais ? TOUT LE MONDE DANS CE FILM PARLE ANGLAIS ?! Du chrétien converti au dernier sous-fifre du gouverneur. On se fout de notre gueule ? Adam Driver se met à parler japonais au bout de cinq minutes de films alors que l'autre Andrew Garfield est pas foutu d'enchaîner plus d'un "arigatou gozaimasu" alors même qu'il vient d'écrire un putain d'essai sur les erreurs du christianisme en full japanese !
Bon à la limite ça c'est pas si grave la langue, mais ça arrange pas le tableau quoi ! Mon rêve eut été de voir un film avec des acteurs qui parlent portugais et japonais, histoire de m'y croire vraiment. Déjà que je me tape des anglo-saxons dans le rôle de portugais, j'ai pas trop envie d'y croire quoi !
Sans plus m'attarder, si je dois résumer le principal défaut du film, c'est sur la forme, d'être long et répétitif, et sur le fond d'être une glorification de l'entreprise d'évangélisation du monde. Le tout en faisant passer les japonais pour des gros incultes barbares, pas foutus d'adorer un vrai Dieu, et bloqués dans un putain de pays comparable à un marécage.
Quand on sait qu'il s'agit d'une adaptation d'un roman écrit par un japonais catholique, y'a pas de quoi s'étonner. Mais j'en attendais clairement plus, tant l'idée de voir la rencontre entre portugais et japonais m'enchantait, au final, j'ai eu une parodie un peu longue, avec quelques bons points malgré tout.