Musique!


Scorsese... Une réalisateur qui ne cesse d'impressionner par la grandiloquence de ses films, tant visuellement que scénaristiquement par la force de la représentation des personnages qu'il entreprend de filmer. Et il revient en force en 2017 pour nous proposer un film personnel, en partie parce qu'il lui a fallu une bonne dizaine d'années pour enfin accoucher de ce nouveau bébé. Et quel bébé! Un bébé qui se veut silencieux mais qui est en fait tout l'inverse : un déluge irréaliste de hurlements de douleur face aux tortures fallacieux du gouvernement japonais. Marty nous livre une épopée sinistre au pays du Soleil Levant, en empruntant habilement quelques plans au cinéma japonais avec des plans fixes cadrés à la perfection, comme en témoigne une ouverture visuellement parfaite, sombre à souhait et dont les brumes représentent à elles seules la mystification du film. Car Silence ne fait pas que proposer des séquences visuelles vertigineuses de beauté, il prend aussi le spectateur par les tripes, lui imposant un spectacle déboussolant et interrogateur sur le martyr religieux et les souffrances commises.


D'aucun dirait que Scorsese essaye d'emprunter une voie plus noble pour parler du christianisme, après une Dernière Tentation du Christ critiquée. D'aucun dirait que Scorsese ne veut parler qu'aux chrétiens dans un film qui semble-t-il ne se veut que religieux (Durendal en est le paradigme même). Mais pour moi, Scorsese ne veut rien de tout ça. Il veut juste donner aux spectateurs ce qu'ils ont envie : une histoire tragique, mais aussi lyrique et surtout intéressante, non seulement dans la question de la religion mais aussi dans les relations entre les protagonistes. Contrairement à ceux n'ayant vu qu'un panaché de clichés sur l'horripilante virulence des Japonais, pour moi j'y voyais justement un film qui tente d'enlever cette caricature bien trop facile des Nippons "méchants" que l'on voie encore beaucoup dans le cinéma actuel (occidental ou non, les Coréens semblent encore très dérangés par la période tendue de soumission au Japon) notamment grâce à des antagonistes (peut-on réellement les appeler ainsi ?) intelligents et bien écrits.


Aucune musique, seulement le bruit de grillons. Une atmosphère étouffante dépeinte par une photographie assez terne mais non moins somptueuse nous maintient en haleine pendant plus de deux heures et trente minutes de film. Pourtant, Silence ne perd pas une seule minute dans de futiles dialogues, au contraire chaque seconde du film berce, et l'ennui bien que ressenti par une grande majorité me paraît déplacer. Marty comme à sa grande habitude met une voix off omniprésente. C'est un peu la marque de fabrique de Scorsese et j'adore ça. Quant aux émotions, Andrew Garfield, snobé aux Oscars malgré deux très belles prestations (ici et chez Mel Gibson), s'en sort à merveille. Il en va de même pour Adam Driver qui sans atteindre la prestation de Garfield est transposé brillamment dans un prêtre non pas venu répandre le christianisme mais venu voir si les rumeurs autour du Père Ferreira étaient fondés.


Silence résonne comme une oeuvre d'art, passionnante et sincère. Hélas, le métrage n'est pas parfait, et son dernier quart d'heure est assez décevant, et plutôt dérangeant, et finit sur une note assez clichée qui clôture le film d'une manière assez amère. Scorsese nous submerge néanmoins par une réalisation dont lui seul a le secret, des paysages magnifiques, une photographie superbe et des plans très beaux.


Près de trente ans après La Dernière Tentation du Christ, Scorsese remet le couvert avec la religion en adaptant Silence, et en offrant ainsi un film d'une richesse rare et d'une beauté ahurissante. Les dialogues sont forts et les personnages le sont tout autant. Un film à savourer lentement (ça tombe bien, vous aurez le temps). Vivement The Irishman...

Marvellous

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