Qui se souvient de l'apparition de Juliette Binoche dans "Rendez-Vous", écrit par le même Assayas qui réalise, 30 ans plus tard, ce "Sils Maria" faisant affronter à la même Binoche les outrages des ans, se sentira forcément englouti par la tristesse, voire l'amertume qui suinte du film, et en particulier de son épilogue qui sonne comme la condamnation définitive de notre époque. De là à dire que "Sils Maria", avec sa critique d'Internet et sa musique classique qui semble avoir balayé la culture Rock d'Assayas, est un film de vieux con, il n'y a qu'un pas... que nous empêche de franchir le rôle et l'interprétation de Kristen Stewart, au moins aussi épatante ici que Binoche l'était à ses débuts. Bien entendu, l'intelligence aiguë d'Assayas, c'est d'avoir construit son film en interpénétrant d'une manière inextricable la réalité et la fiction (ce qu'on sait de Stewart, ici reporté sur le personnage de Moretz), et d'avoir mis un double tour de vis en faisant répéter à ses actrices une pièce de théâtre faisant écho à leur situation réelle : soit un jeu diabolique, assez jouissif, qui fait que l'on ne décroche jamais du film, malgré la prétention indiscutable de ces "histoires d'actrices". S'il y a ici un défaut majeur, c'est en fait la faiblesse de cette pièce de théâtre qui en est le sujet central : un texte ridicule auquel on a du mal à croire, et c'est bien dommage. S'il y a une force qui sauve "Sils Maria", ce sont les intuitions brillantes d'Assayas, comme la remarquable disparition d'un personnage, hommage possible à Antonioni, mais aussi solution indiscutable à l'équation posée par le film. [Critique écrite en 2014]