Assayas n'atteint pas la force emotionnelle des films et des cinéastes dont il semble se nourrir, comme Bergman (on pense à Persona...) ou bien Cassavetes (on pense à Opening Night...), mais il a quand même deux superbes actrices à sa disposition (mention pour Binoche), et nous donne à voir quelques jolis moments. A coup de mises en abyme, il dépeint avec parfois beaucoup de justesse la perpetuelle remise en question de l'actrice face à son age ou son personnage. Ici, Maria Enders, actrice connue et respectée, se voit proposer de jouer sur scène la pièce qui l'a révélée à 18 ans, mais dans la peau du personnage plus agé (la quarantaine). Cette si belle pièce qui l'as rendue célèbre, lui semble aujourd'hui, avec recul, un objet dont elle n'arrive plus à saisir la force. Pour préparer son rôle, elle est accompagnée d'une jeune assistante (Kirsten Stewart, méconnaissable), qui passe du temps avec elle et lui donne la réplique. D'où la mise en abyme, donc, au moment des scènes de répétition, utilisée presque à outrance pour perdre le spectateur. Il y a de quoi ressentir une certaine lassitude à comprendre le petit jeu malin du réalisateur. Mais là où le film est intéressant, c'est que, dans ce petit jeu, le cinéaste n'est pas tendre avec ses actrices. Il accorde du crédit à l'une et à l'autre, et nous parle à travers elles du monde d'aujourd'hui. Il y a d'un côté la grande actrice, bien dans son petit monde, n'étant pas "armée" pour affronter toute cette technologie grandissante (elle utilise Google pratiquement comme un jeu et ne fait pas toujours la part des choses) et de l'autre la jeune ambitieuse qui n'hésite pas à donner ses points de vue, à confronter "sa" réalité, le monde dans lequel elle vit, à celui de Maria Enders. Et tout cela résonne évidemment à travers le texte de la pièce, où sont confrontées une femme et son assistante plus jeune, dans un jeu de massacre amoureux et psychologique. Pour ce qui est de la mise en scène, il faut bien le dire, Olivier Assayas sait filmer les femmes. Il sait les dépeindre telles qu'elles sont, et son oeil est à la fois respectueux, tendre, mais aussi étonné, en plein questionnement. On peut sentir, en tout cas, cette filiation avec Bergman, cette façon d'enchainer les scénettes où les dialogues construisent l'intrigue. Seulement l'émotion n'est pas toujours au rendez-vous, et ces longues scènes sont parfois un peu ennuyantes.
Mais c'est un film très intéressant qui interroge le métier d'actrice (Juliette Binoche est vraiment exeptionnelle), le métier de cinéaste, et, dans une moindre mesure (je n'ai pas trouvé que ce soit le propos le plus marquant du film), le monde d'aujourd'hui, avec ses starlettes stereotypées nourries à Twitter, Google et toutes ces informations tronquées que l'on peut trouver sur la toile.