Pure de jouvence
Après la parenthèse Babysitter qui adaptait une pièce préexistante, Monia Chokri semble renouer avec la comédie sentimentale en forme d’autoportrait qu’était La Femme de mon frère, son premier long...
le 16 nov. 2023
76 j'aime
4
Voir le film
Pour son troisième long métrage, Monia Chokri signe une comédie romantique que l'on pourrait envisager comme une version féminine et féministe de La vie d'Adèle, dont elle reprend les thèmes et la construction : la rencontre entre deux êtres qui n'ont rien d'autre en commun qu'une puissante attirance physique l'un pour l'autre et quelques envies d'ailleurs, la torride passion charnelle qui va faire imploser un couple et interloquer une galerie de personnages archétypaux, l'illusion que l'amour peut combler les gouffres sociaux-culturels, et enfin, inéluctablement, la renonciation lucide, le plan final solitaire.
Mais à la condescendance et au regard hétéro vicelard de Kéchiche, Monia Chokri répond par un female gaze moderne, drôle, audacieux, et par une interrogation moins politique et plus intime : est-ce qu'on peut être en couple sans baiser ? est-ce qu'on peut baiser sans s'aimer ? est-ce qu'on peut baiser dans son couple et en-dehors de son couple et trouver ainsi l'équilibre ? pour que les coeurs battent longtemps à l'unisson, vaut-il mieux une entente intellectuelle ou une entente sexuelle ? l'ennui, ça arrive au bout de combien de temps ? qu'arrive-t-il lorsque l'on ne sublime plus ? et la fidélité, ça rime encore à quelque chose ?
Si son héroïne (magnifique Magalie Lépine-Blondeau) commence par vaciller, elle est en réalité puissante, sûre de ses désirs, forte et respectée dans sa sexualité, même avec une laisse autour du cou ou lorsqu'elle a pitié d'un ex. Elle sait ce qu'elle veut, elle sait ce qu'elle aime, et sait avec quoi elle est prête à concilier et ce qu'elle ne laissera pas passer.
Les scènes d'amour, de baise, sont celles d'une femme qui filme une femme avec pudeur et réalisme, et rarement la pulsion de désir pour un homme (presque caricatural de virilité) aura été montrée de façon aussi sensuelle et joyeuse.
Et si la passion ne peut raisonnablement pas l'emporter, celle qui s'y est jetée à corps et coeur perdus n'en ressort pas humiliée, mise à l'écart par quelqu'un qui serait trop bien pour elle. C'est elle, au contraire, dans ses attentes légitimes tout comme dans ses intransigeances discutables, qui décide de ne plus y croire lorsque tout enfin semblait permis, dans un geste que l'autre accepte avec compréhension, dans une gratitude mutuelle, dernière élégance après une parenthèse simple comme un beau plan cul.
Nappé d'une photographie chaleureuse, bourré de décors cosy et porté par une langue virevoltante capable de créer l'hilarité en confondant Rimbaud avec Sardou, Simple comme Sylvain est le nouveau joli coup de griffe d'une autrice décidément à suivre pour ceux qui affectionnent la fraîcheur, la malice, l'humour, la poésie et le culot du cinéma québécois.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Festival La Rochelle Cinéma (2023)
Créée
le 16 nov. 2023
Critique lue 1.1K fois
16 j'aime
D'autres avis sur Simple comme Sylvain
Après la parenthèse Babysitter qui adaptait une pièce préexistante, Monia Chokri semble renouer avec la comédie sentimentale en forme d’autoportrait qu’était La Femme de mon frère, son premier long...
le 16 nov. 2023
76 j'aime
4
Monia Chokri conte l'attirance entre une universitaire en philosophie maquée (on a le droit à plusieurs pensées de philosophes, comme Platon ou Spinoza ou Sardou, sur ce qu'est l'amour !) et un...
Par
le 10 nov. 2023
38 j'aime
9
Monia Chokri est en phase de devenir une cinéaste incontournable du paysage cinématographique québécois! Après deux œuvres à la fois très différentes (par leur sujet) et similaires (par la manière...
Par
le 4 oct. 2023
25 j'aime
5
Du même critique
Deux jours avant la sortie des Femmes au balcon, j'ai assisté à une avant-première suivie d'un débat avec Noémie Merlant, Sanda Codreanu (à l'affiche, et créditée comme ayant participé au scénario)...
Par
le 13 déc. 2024
64 j'aime
6
La Rochelle, 26 juin. Jour de mon anniversaire et de l'avant-première de Au revoir là-haut en présence d'Albert Dupontel. Lorsqu'il entre dans la salle à la fin de la projection, le public...
Par
le 27 juin 2017
54 j'aime
4
Je n'accorde habituellement que très peu de crédit au vieux débat clivant qui oppose bêtement cinéma populaire et cinéma d'auteur (comme si les deux étaient deux genres définitivement distincts et...
Par
le 27 mars 2018
50 j'aime
19