Pure de jouvence
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le 16 nov. 2023
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"Simple comme Sylvain, c'est l'histoire d'une bobo montréalaise qui va se rendre compte que son charpentier bai** mieux que son universitaire de mari, et ça va bouleverser sa vie de quarantenaire". Dit comme ça, on est d'accord, on dirait le pitch d'un film cliché sur les classes sociales, racoleur, et qui n'a aucune chance d'être un film intéressant. Oui, mais Monia Chokri.
Dans une thématique qui me rappelle un peu ce chef d'œuvre qu'est "Le goût des autres" (comme si, en France comme au Québec, les femmes étaient meilleures pour raconter cette histoire), Simple comme Sylvain profite d'une comédie romantique pour parler de mépris de classe, de choix de vie sentimentale, sexuelle, amoureuse, et de la manière dont l'entourage, la manière d'être en société, tout cela nous prédestine à rencontrer certains partenaires plutôt que d'autres. Et non contente de faire un film profondément intéressant sur le fond, elle soigne la forme, oh mon dieu qu'elle la soigne, et c'est pour moi cela qui distinguerait principalement ce film d'une comédie française bas de gamme. Dans un fourmillement qui rappellerait presque Xavier Dolan (mais en plus pertinent), Chokri varie les formes, les effets de styles et les plans millimétrés au fil des séquence, ce qu'elle faisait déjà dans Babysitter, mais qu'elle affine ici : ça foisonne, mais toujours pour une raison pertinente, là où Babyssiter pouvait parfois frôler le trop plein. Un exemple de ce style frontal, direct et efficace pourrait être la première apparition de Sylvain, le fameux charpentier, dans un panoramique qui adopte le point de vue de la voiture de la protagoniste, et qui s'arrête en centrant au millimètre la silhouette de Sylvain dans le cadre : musclé, iconique, encore mystérieux, tout le désir est déjà là.
Une limite que je pourrait avoir avec le film (mais il se trouve que, en fait non), ce serait si celui-ci n'avait pas conscience de lui même, à savoir ici, un film qui parle d'une confrontation entre une bobo citadine et un campagnard bourru écrit et réalisé par une bobo citadine. Mais en fait non, parce que Monia semble avoir tout à fait conscience du risque, et elle construit son propos tout en subtilité : pour tout les clichés sur les "beauf" (ou "douchebags" comme ils disent) inclus dans le film, on a le pendant inverse chez les "bobo citadins". Pour un propos maladroitement raciste d'un côté, un mépris de classe de l'autre, pour un homme imbu de virilité, un autre quasiment asexué (il dort sur le sol quand il apprend être trompé), et pour une esthéticienne un peu (faussement) superficielle, une jeune libertine hautaine et tatoué sur le visage. En bref, on peut être plus cultivé mais plus cruel, être un douchebag et être le plus malin, et quelque soit notre origine sociale, il semble qu'encore aujourd'hui, tomber amoureux de quelqu'un d'une autre origine sociale que la sienne relève malheureusement moins de la norme que de l'accident.
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Créée
le 14 nov. 2023
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