Yannick (bien) tes morts

Cela fait quelques films que Dupieux m'a perdu. Je juge le Daim comme son dernier film intéressant, et si depuis quelques situations peuvent me faire rire dans Mandibules ou Fumer fait tousser, je reste depuis 4 films globalement indifférent à ce qui se passe sous mes yeux. Comme si Dupieux était un effet de mode, qui avait commencé à passer, comme si faire un film par an n'était peut être pas le symptôme d'une folie créative, mais plutôt l'exploitation d'un filon juteux. Reprenons.

A l'origine, j'aime Dupieux. Je l'aime notamment pour ses pitchs (allez lire le synopsis de n'importe lequel de ses films, c'est franchement drôle), parce qu'à la base d'un de ses films, il y a toujours une idée folle. Mais voilà, le problème, c'est quand on se repose uniquement sur l'idée. Et si je soliloque sur la carrière du bonhomme, c'est parce que Yannick peut être pris comme une mise en abîme du rapport de Dupieux avec son public.

Ce bon Quentin explique en interview qu'il fait, depuis Au Poste, des films courts (1h15 en moyenne) parce qu'il ne veut pas retenir les spectateurs trop longtemps en salle avec ses conneries. Pour lui, un film en salle, c'est une forme de prise d'otage. Et de ce point de vue, Yannick est son film le plus littéral. Et peut être que Quentin se reconnaît dans Yannick, peut être s'autocritique-t-il via le personnage de Pio Marmaï, cela ne change pas que le film est vide de tout contenu. Très vite dans le film, Yannick va prendre la salle de spectacle en otage, et il ne vas plus alors se passer grand chose, comme si nous, spectateur du film, nous étions aussi pris en otage. Pas de relations inter-personnages, pas d'empathie non plus, sauf un peu pour ce Yannick, vers la fin, mais qui peine à toucher à cause de l'identité visuelle plate et austère du cinéaste. Même pas de grand final ou de retournement de situation, là où une scène d'intervention du GIGN aurait pu être sympathique à montrer, ou alors un épilogue, qui montrerait l'impact de cet évènement sur Yannick, mais non, rien de tout cela. Rien car Dupieux ne cherche pas, et n'a jamais cherché, à nous raconter une histoire.

Là où je voyais Au Poste ou Le Daim comme des exercices de style, je vois maintenant un cinéaste qui se repose sur ses lauriers, qui jouit du fait d'être devenu cool pour ne plus exploiter (ne serait-ce qu'un peu) ses concepts. C'est à se demander si ce n'est pas cela, qu'il expérimente, pour de vrai, à quel point peut-il ne pas se fouler et se faire acclamer quand même? 6 jours de tournage, en huis clos, voilà ce qu'est Yannick. Et si certains films guérillas peuvent être géniaux (c.f Gaspar Noé), il me semble que Dupieux ai besoin d'un temps pour fouiller ses concepts (Réalité), écrire des dialogues solides (Au Poste), bâtir un univers prenant (Wrong, Steak) ou au moins exploiter un minimum son concept (Le Daim). Sans cela, on est peut être condamnés à laisser faire du vide.