La mayonnaise n'a pas pris cette fois-ci, et regarder "Simple Men" donnerait envie de se replonger dans les deux premiers films de Hal Hartley et accessoirement les plus réputés, "The Unbelievable Truth" et "Trust Me", pour réévaluer leurs qualités propres et confirmer ou infirmer les appréciations initiales. De loin on dirait que les ingrédients sont les mêmes : on reconnaît assez vite le style de cinéma indépendant états-unien de Hartley, avec ces personnages aux comportements erratiques et imprévisibles, régulièrement plongés dans des états de stase qui les font alterner entre mutisme soudain et longs monologues, avec une grosse dose d'errance du début à la fin du récit et quelques scènes incongrues qui contrastent fortement avec le reste. Ici, si je ne devais en retenir qu'une, ce serait très clairement la séquence de danse / chorégraphie avec trois personnages dans un bar sur fond de Kool Thing 'Sonic Youth). Forcément mémorable.
Reste qu'à mes yeux, la magie n'opère plus ici. On retrouve bien Robert John Burke et Martin Donovan, des acteurs qui insèrent leurs jeux de manière assez naturelle dans l'environnement de Hartley (réalisateur / co-producteur / scénariste), mais il n'y a pas d'osmose avec les personnages de Elina Löwensohn et Karen Sillas. Comme si l'absence de Adrienne Shelly dans ce troisième film se faisait bien trop préjudiciable. C'est en tous cas la première fois que j'ai ressenti une gêne, une indifférence à l'égard de ce cinéma, un peu comme si on m'avait placé devant un cousin américain éloigné de Rohmer (j'exagère mais le sentiment n'est pas tout à fait anodin). Les effets utilisés par Hartley sont connus mais ne fonctionne pas, ou plus. Les longs dialogues qui se structurent comme d'interminables dissertations sur l'amour et les rapports humains semblent exprimés par des machines neurasthéniques, et finissent par user. La quête qui anime les deux frères, chacun avec ses lubies un peu bizarres, se construit autour de la recherche du père, ancien révolutionnaire anarchiste. Un chemin qui ne mène nulle-part ou presque, principalement un prétexte à de nombreuses rencontres toutes plus désabusées et lunaires les unes que les autres. C’est bien à regret que je constate que le charme s’est épusié.