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SINGAPORE SLING

(SINGAPORE SLING : O ANTHROPOS POU AGAPISE ENA PTOMA)
(Grèce / 1990)
Réalisation et scénario : Nikos Nikolaidis
Avec : Meredyth Herold, Michèle Valley, Panos Thanassoulis


Somptueux, dérangeant, drôle, noir, érotique, trash. Et on pourrait trouver beaucoup d'autres qualificatifs pour tenter de définir ce long-métrage halluciné.
Singapore Sling est un film qui ne fera pas l'unanimité mais ce n'est pas important car la controverse et la provocation sont des éléments essentiels en faveur de l'ouverture d'esprit. Pour qui aime les choses qui ne ressemblent qu'à elles, avec forcément ses références, ses emprunts, n'hésitez pas.
Ça commence comme un film noir à l'ancienne : voix-off, enquête, amour blessé, noir et blanc contrasté (qui sera conservé durant tout le film) et puis ça vire au cauchemar sado-maso, avec des passages oniriques, poétiques, surréalistes, mais toujours beau ; esthétiquement, dans sa liberté de ton, et beau, tout simplement.
Certains s'ennuieront, d'autres, à l'instar des actrices, vomiront, et puis nous on ouvrira grands nos yeux, émerveillés devant tant de bonheur pervers et transgressif. On se dira putain qu'c'est beau, enfin un film qui va jusqu'au bout de son hystérie, follie faussement symétrique du retour sur soi. Et puis on rira, noir, salement noir, et on s'émouvra, et on se demandera où ça va mais toujours accroché, happé entre dégoût pervers et romantisme outré, et puis on sera hanté par la puissance esthétique des images surréalistes qu'on aura vu, et du coup on réfléchira et pis ce sera beau, et alors tu pleureras mon fils.
L'histoire, impudemment simplifiée, est celle-ci : un homme blessé (nommé Singapore Sling par les deux femmes) va atterrir, dans sa recherche de l'amour perdu, dans les mains d'une mère et de sa fille, aux relations incestueuses et aux mœurs pour le moins bizarres, qui vont compromettre sa santé mentale et physique de manières diverses et variées.
Les deux femmes au jeu outrancié parfaitement maîtrisé, et drôle, s'adressent parfois à la caméra et racontent l'histoire, la devancent même, comme si elles étaient omniscientes, comme si elles maîtrisaient la réalisation, le montage. Elles régurgitent la nourriture comme elles régurgitent le Laura de Preminger. Elles s'inscrivent et rejouent en le décalant une sorte de passé à jamais recommencé (le fantôme du père ; écailles et momie) pour enfermer le pauvre Singapore Sling muet (sauf la voix-off) et hébété, dans un florilège de torture psychologique et narratif, pour sortir de cette boucle, alors que lui-même vient du passé et ne parviendra à rejoindre le présent que grâce à son lacet (une boucle donc).
La musique est également remarquable dans son contraste avec les images : du Rachmaninov romantique (et l'unité cyclique qu'elle contient) sur le gore, un Glenn Miller langoureux (Laura) dans la salle de torture.
On pourrait continuer à chercher mais chacun y trouvera son bonheur : le côté film noir, le gothique, le baroque presque rococo, le S-M (soft), la poésie macabre, le rire noir, la beauté de chaque plan, le trash, la folie, l'absurde... Il ne faut pas avoir peur d'être malmené et savoir savourer les images, en prenant son temps car la plupart sont fixes ou peu mouvantes, toujours sublimement composées par le metteur en scène.
Nikos Nikolaidis, hélas décédé en 2007, nous a laissé onze films dont neuf longs-métrages (pas facile-facile à se procurer) et des livres (à ma connaissance est seulement disponible dans l'hexagone son « Garce et autres nouvelles »), etc. Néanmoins, en France on a le bonheur de disposer de ce magnifique et curieux éditeur qu'est E.D. Distribution où l'on peut donc trouver Singapore Sling et beaucoup d'autres folies cinématographiques aussi magistrales qu'étonnantes.
Un film et un réalisateur à découvrir urgemment, avant qu'ils ne tombent dans le puits de l'oubli de merde bien-pensant qui se creuse dangereusement autour de nous.
Bocala
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le 11 sept. 2014

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Bocala

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