Après les films populaires et mièvres - il faut l'avouer - sur la vie de Sisi, l'impératrice continue d'inspirer le cinéma contemporain. Ainsi, ce film montre les truchements tordus, parfois fous, souvent destructeurs, par lesquels Sisi tente d'échapper à la cour impériale, au détriment de sa santé. Dans la directe lignée de Corsage (Marie Kreutzer, 2022) auquel il ressemble par plusieurs aspects, Sisi und ich rappelle le sombre quotidien de l'impératrice dont on a tant fantasmé le destin, en adoptant la perspective d'une de ses suivantes, la comtesse Irma.
Le film réussit à faire sensation notamment car il est un film de contrastes, implicitement introduits par les premières paroles du film, alors qu'il n'y a pas encore d'images: une alternance de lumière et d'obscurité. Ce sont les contrastes qui sont au cœur de tout le récit. D'une part l'austérité et la bienséance de la cour, allant de pair avec les obligations impériales. Comme dans Corsage, le viol conjugal est montré dans toute sa violence psychologique. D'autre part, la démesure et l'outrecuidance comme réponse à la terrible vacuité du monde de la cour, auquel Sisi tente d'échapper. Cordoue, îles grecques, Alger: autant de lieux exotiques mais qui semblent ne pas suffire, alors que l'impératrice a allègrement recours aux drogues, potions et autres régimes drastiques.
Le film est aussi caractérisé par un débordement, un trop-plein que la caméra saisit dans sa plus grande crudité: du vomi de Irma sur le bateau à celui de Sisi comme résultat de ses crises de boulimie, en passant par la scène du "trône" des toilettes de Franz-Josef, se vidant après avoir bu un puissant laxatif. Si humour il y a, il est cynique et frise toujours avec le drame.
Le film prend la perspective d'Irma, la suivante choisie pour accompagner Sisi, devenant sa proche confidente. Ce choix semble permettre de monter la relation complexe entre les deux femmes - débouchant sur une dévotion démesurée de la comtesse pour Sisi. Arrivée naïve dans la maison de sa maîtresse, Irma en tombe vite éperdument dépendante, se pliant à ses volontés tout en gardant tout de même un semblant d'instinct de survie, dont l'impératrice n'a plus rien à faire. Le caractère d'Irma reste un peu fade du fait de sa grande malléabilité. C'est pourquoi malgré le talent incontestable des deux actrices, la plus-value de cet angle n'est pas très clair.
Montrant la période difficile de la vie de l'impératrice, empesée par des drames personnels, on peut regretter un traitement seulement léger et secondaire du contexte - à la fois biographique et historique - dans le film. L'espace est de surcroît difficile à suivre. La musique est omniprésente et s'insère bien dans le récit - jusqu'au point où dans une scène, Irma marche en chantant la chanson qui accompagne les images. Les morceaux contemporains permettent une pause dans le récit tout en s'en faisant l'écho. Néanmoins, malgré les escapades aventureuses, le film pèse un peu en longueur. Dernière mention spéciale pour les costumes, magnifiques et très à propos.