Si l'héroïne de ce film avait été mariée à un paysan de son époque, elle aurait peut-être pris deux beignes à sa première saute d'humeur et aucune histoire n'aurait été écrite. Oui mais voilà, elle était impératrice. Et pas n'importe laquelle, celle dans la peau de laquelle Romy Schneider a fait rêver au moins deux générations de jeunes filles. La scène d'ouverture trompe un peu son monde, puisqu'on y fait la connaissance de la future dame de compagnie de l'impératrice Elizabeth, qu'on ausculte comme un cheval de course sous le regard implacable de sa mégère de mère. On le comprend tout de suite, les femmes vont être au cœur de ce récit un peu étrange, dont le véritable centre de gravité n'apparaît pas tout de suite. Elle commence par se cacher, tout en soumettant sa nouvelle compagne à d'autres épreuves humiliantes. Car il faut mériter d'entrer dans son entourage. Celles qui ont échoué à ses tests sadiques ne savent pas la chance qu'elles ont mais, d'un autre côté, elles ratent l'occasion d'approcher l'un de ses caractères flamboyants, complexes et uniques qui laissent d'impérissables souvenirs. Quand on aime la complication, ce qui n'est pas spécialement mon cas. Mais je n'y suis pas hostile dans un scénario, malgré tout, et j'ai suivi avec complaisance les hauts et les bas de la relation intense qui se noue entre la souveraine bipolaire et sa servante-amie-punchingball. Autour de Sissi gravitent, dans cette version modernisée de sa vie - playlist décapante en prime - quelques créatures rendues androgynes par des régimes très stricts, une lubie de Sissi. Ces Pierrot faméliques s'arrachent ses grâces, mais elle donne toujours l'impression de se jouer d'eux, en soufflant le chaud et le froid. Pourquoi personne ne la plantait là comme la pompante qu'elle était ? C'est tout l'enjeu de cette histoire, à travers laquelle s'étudie également la condition des femmes à la cour autrichienne. Pas reluisante, malgré les dorures. La thèse vaut d'être suivie jusqu'à la toute fin, qui ne manque pas de substance. Une expérience intéressante, donc, dont les acteurs dans leur ensemble font merveille, l'impériale Suzanne Wolff en tête, à la croisée des chemins entre La favorite, Portrait de femme et Prête à tout...