Sisu en finnois, c’est quasi intraduisible. C’est un mot, ou plutôt une expression, désignant une forme de courage extrême, une incroyable détermination qui se manifeste quand tout espoir est perdu. Une pulsion de vie quoi. Laponie, côté Finlande, 1944. C’est la grosse débâcle chez les nazis, mais la guerre fait toujours rage et on bombarde, on pend, on viole et on trucide joyeusement. Aatami Korpi, ancien soldat du coin reconverti en chercheur d’or, s’en fout pas mal de la guerre. Lui il cherche. Et il trouve. Et le sisu, Korpi, il l’a, il l’a profond. Surtout quand une bande de nazis bien crado croise sa route et lui pique son or, et qu’il décide de le récupérer. Mais ce que les nazis ne savent pas, c’est que Korpi là, avec son sisu, c’est pas le genre de type à venir emmerder («un escadron de la mort à lui tout seul», pour situer le niveau dans son habileté à tuer). Dommage pour eux donc, et tant mieux pour nous : la boucherie peut commencer.

Sisu aurait pu (aurait dû ?) être un extraordinaire survival d’une âpre violence situé en pleine toundra inhospitalière (mais cinégénique à mort), sauf que Jalmari Helander y a préféré la gaudriole tarantinesque sans surprise avec son lot de morts brutales (que l’on regarde d’un œil blasé) et d’incohérences scénaristiques lourdingues. Car il faut savoir jongler avec une sacrée dose de suspension d’incrédulité pour croire que Korpi puisse survivre à absolument tout (mines, tirs nourris, pendaison, noyade, crash d’avion…), et ce en dépit d’un récit faisant de lui une sorte de légende, de tueur impitoyable capable de décimer en solo une unité de plus de 300 soldats. Et que ses ennemis, comme c’est pratique, ont surnommé «l’immortel».

OK, d’accord, faisons comme ça. Seulement, à force de réchapper à toutes les morts possibles, de continuer à gambader et à castagner tranquille malgré des blessures auxquelles tout être normalement constitué finirait par succomber, on baisse les bras, on gobe plus. Plus la vibe. Plus le cœur. Plus la largesse d’esprit. Et c’est tout le côté régressif et subversif que l’on pouvait, à la rigueur, concéder au film qui s’érode alors, pour finalement ne plus y croire. Ne plus ressentir le danger. Éprouver la brutalité des événements. Avoir d’empathie ou la moindre inquiétude pour le personnage, réduit en fin de parcours à une machine programmée pour zigouiller du nazi, la mâchoire crispée, les yeux revolver et le mot rare. En vrai Korpi, c’est un T-1000.

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mymp
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le 21 juin 2023

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