Skate Kitchen
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le 1 févr. 2019
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(article précédemment publié sur Les Chroniques de Cliffhanger & Co)
Le skate a le vent en poupe en ce moment dans les productions indés américaines, car après Mid90s (en salles françaises le 24 avril), voici Skate Kitchen, son simili-pendant new-yorkais. Le film prend place dans un groupe de jeunes skateuses, et plus particulièrement centré sur Camille, interprétée par la parfaite Rachelle Vinberg. La réalisatrice, Crystal Moselle a déjà eu un certain succès dans le milieu du documentaire, ayant même remporté la plus haute distinction de la catégorie en 2015 avec The Wolfpack en terre sainte du circuit indé : Sundance. Elle signe aujourd’hui ce premier long de fiction, immédiatement agréable et feel-good, mais in fine un peu vain. À la fin de l’adolescence, Camille, 17 ans, vit avec sa mère depuis finalement assez peu de temps, après avoir vécu avec son père dans la foulée du divorce précoce de ses parents. Sans être réellement antagonistes, les deux femmes semblent encore s’apprivoiser, alors même que Camille ne vit que pour le skate, dans un monde ultra moderne, entre Instagram et une solitude IRL. Trouver une famille d’amies dans un skatepark (à travers les réseaux tout de même), va lui redonner des ailes, en échangeant avec ses filles toutes très différentes, mais qui lui parlent, partagent le même centre d’intérêt et l’inspire autant que la pousse à se dépasser. Et c’est évidemment un garçon (Jaden Smith) qui viendra bousculer les rapports entre ces jeunes femmes marginales.
Voir Skate Kitchen après avoir vu Mid90s, c’est très bizarre : comme une étrange impression de déjà-vu, mais c’est aussi se dire qu’en choisissant de traiter le même sujet par un prisme similaire, le premier ne parvient pas à être aussi marquant que le second. Parce qu’au-delà du fait que Skate Kitchen est l’archétype-même du film indé US tel qu’il est développé (plus ou moins bien) depuis le début du 21ème siècle, il ne va pas beaucoup plus loin. Ce formatage au sein d’un système de plus en plus contraint et détaché d’une économie changeante, c’est vraiment de plus en plus louche. Notamment quand, comme ici, deux films sur le même milieu et les mêmes thématiques sortent la même année (l’an dernier, la mode était la question raciale à Oakland avec Bodied, Blindspotting et Sorry to Bother You). Ici, on assiste au renversement complet de l’écrin du premier film de Jonah Hill : là où Mid90s met en scène un jeune garçon de 13 ans (le début de l’adolescence), Skate Kitchen c’est une jeune femme de 17-18 ans (la fin de l’adolescence). Le premier se déroule dans l’horizontalité de Los Angeles, alors que le second fait la part belle à la verticalité de New-York, la nostalgie des 90’s de l’un contre l’embrassement de la contemporanéité de l’autre. Outre ces transpositions, on est témoin passif de similarités évidentes de construction, de personnages, de conflits : la découverte de la logique de groupe pour un.e solitaire, l’acquisition d’une planche de skate, la cellule familiale paraissant correcte est en réalité brisée, les premiers amours et le sexe comme acceptation sociale, etc. Ça n’enlève rien aux deux films en eux-mêmes, mais du coup Skate Kitchen souffre de la comparaison, tant l’autre film est réussi et bien plus précis, beau et intelligent.
Reste ces jeunes actrices, toutes superbes, dont les personnages témoignent toutes de l’ouverture du spectre sexuel qui est en marche dans cette nouvelle génération, mais aussi de l’inconscience inhérente à cet âge transitoire, dont le mouvement et le déplacement du skate donne toute l’énergie à ce film pourtant assez lent. Notons aussi que Jaden Smith, en second rôle en forme de love interest est très bon, prouvant une fois encore qu’il choisit un tout autre plan de carrière que son père, malgré cette double casquette de rappeur/acteur qui les rapproche. En parlant de musique, on remarque que la BO est plus que réussie et assez éclectique, avec des titres parcourant tous les prismes de la pop et du rap d’aujourd’hui, ce qui est évidemment tout à fait à propos : outre le grandiose Young, Dumb & Broke de Khalid et le super Back on my Shit de Jaden Smith, on retrouve des artistes bien moins exposés comme Clairo, Princess Nokia, Ambar Lucid ou duo Jay Critch/Rich The Kid. On a même le droit à un Move Your Feet (de Junior Senior) très bien senti.
Pour conclure brièvement, on peut dire que bien que plutôt bon, Skate Kitchen n’en reste pas moins un peu anecdotique, car finalement assez vide thématiquement, preuve d’un formatage malvenu d’une frange du cinéma américain pourtant moins contrainte par la rentabilité économique. Le film s’avère être aussi un peu longuet par moments, et ce même si ces personnages sont très attachant.e.s – et son esthétique indée soignée. Préférez-lui donc Mid90s dont on ne cessera de louer les mérites.
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le 3 juil. 2019
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