Grand fan de la saga depuis toujours, l'attente de Skyfall a été pour moi un moment d'excitation comme on en vit rarement, mais surtout et avant tout une énorme frayeur.
Nous sommes en 2012, 007 fête ses 50 ans, et les millions de fans de l'agent britannique astiquent leurs DB5 miniatures, le fusil chargé et braqué sur le réalisateur Sam Mendes et son équipe. Ces derniers ont pour tâche de rendre hommage à tout ce qui est propre à la saga pour fêter dignement son anniversaire (c'est à dire de faire revenir les gadgets, les calembours, les girls, les méchants, les dialogues, les musiques, les voitures, les costumes, les décors etc...), de faire oublier la déception de Quantum of Solace, d'asseoir la pérennité de Daniel Craig en interprète de Bond, de revenir au style de Sean Connery pour satisfaire les fanboys et de livrer un film d'action contemporain pour une nouvelle fois réunir le grand public autour de James Bond.
Pour résumer, les scénaristes devaient faire du neuf avec du vieux. Rien de nouveau en cela, puisque si vous regardez la liste des blockbusters sortis durant les 10 dernières années, c'est à peu prêt la démarche de chacun d'entre eux.
En revanche, si vous regardez la liste des blockbusters sortis durant les 10 dernières années, vous ne trouverez pas beaucoup de grands films. On citera volontiers 'The Dark Knight' comme étant le film à avoir le mieux réussi à transposer une icone du passé dans un univers contemporain, tout comme on pourra citer le récent et pitoyable 'Die Hard 5' comme étant la pire suite/remake/reboot de cette génération.
La démarche n'est donc pas chose aisée, surtout qu'elle avait déjà été entreprise sur la saga Bond avec le très bon Casino Royale qui, s'il avait le mérite de proposer quelque chose de réellement neuf, faisait également perdre au personnage pas mal de ses caractéristiques, pour une conclusion en demi-teinte.
C’est donc sans prendre en compte l’héritage des deux films précédents qu’il faut aborder Skyfall. Si dans Casino et Quantum, Bond était un agent jeune, inexperimenté, impulsif et surtout torturé par la culpabilité, içi il joue plutôt dans la catégorie vétéran. Barbe grisonnante, accro au médocs et à la boisson, affaibli physiquement, mais pétri de chauvinisme et fidèle à son service et à sa mentor, le personnage semble avoir vieilli de 30 ans depuis le film précédent, et ce qu’il a perdu en forme physique, il l’a gagné en sagesse.
Ainsi, on peut voir le personnage de Bond comme l’incarnation de la saga. Vieillissante, ayant souvent échappé de peu à la mort, se questionnant sur sa pertinence dans un monde où elle n’a plus forcément lieu d’être, tiraillée entre ses racines qui la définisse, et son actualisation qui la maintienne en vie.
Et c’est de cela dont parle principalement Skyfall. Entre Q qui explique à Bond que les stylos explosifs n’ont plus lieu d’être, et le diabolique Silva qui lui rappelle à quel point ses méthodes et sa vision du monde sont dépassées, Bond n’aura comme seul choix pour survivre que de retourner vers son passé, le confronter, et le détruire à tout jamais.
En cela, Skyfall est un de ces rares blockbusters qui en plus d’être absolument divertissants, en plus d’être parfaitement mis en image (il faut rendre hommage une fois de plus à la réalisation et de Mendes et à la photographie sublimissime de Deakins), en plus de réunir la crème de la crème des acteurs, en plus d’avoir un scénario très bien construit et en plus de répondre au cahier des charges que sa ‘marque’ lui impose, arrivent à avoir un propos sur sa propre saga sans jamais que celui ci ne plombe la trame, bien au contraire. On fait revenir la vieille Aston Martin qui fait plaisir au fan, pour mieux la réduire en miettes quelques minutes plus tard, comme pour dire au fan que ‘oui, nous aussi on l’aime cette voiture, on a vu Goldfinger autant de fois que toi, mais aujourd’hui, plus personne ne roule là dedans. On est en 2012. Alors si tu veux que ta saga préférée continue, il va falloir que tu acceptes de mettre certaines choses au placard, tout en comprenant qu’actualiser un personnage ne signifie pas forcément le détruire’. Pour moi, on ne pouvait rêver plus beau cadeau d’anniversaire pour 007, aussi inattendu soit-il.
Il y a bien sûr beaucoup d’autres choses magnifiques dans Skyfall. Chaque scène, et je dis bien chaque scène, est un moment de bravoure formel où l’équipe technique et les acteurs se surpassent pour repousser les attentes d’un public peu habitué à un tel niveau de qualité dans un film à pareil budget. On voit rarement des films d’action traités avec autant d’amour.
Que dire aussi de Javier Bardem qui en incarnant le premier réel alter-ego de Bond créé un personnage instantanément culte, qui peux désormais aller trôner aux cotés d’Auric Goldfinger et d’Ernst Stavro Blofeld. Non, décidément, tout est parfait dans cet opus, et j’ai beau chercher, je n’arrive pas à lui trouver le moindre défaut. Et le public dans sa grande majorité non plus apparemment puisque le film est devenu le plus gros succès de tous les temps en Angleterre.
Si Skyfall n’est sans doute pas le meilleur épisode de la saga, il en est en revanche indéniablement le meilleur film.